En 2024, les premiers résultats ont été publiés : un peu plus de 2 milliards d’euros de fraude sociale ont été détectés sur l’exercice 2023.
Un résultat encourageant mais si l’on regarde les chiffres en détail, près de 60% des montants étaient imputables à des cotisations non déclarées par les entrepreneurs. Or le gouvernement estime la seule fraude aux prestations sociales des particuliers (CAF, RSA, Sécu, Retraite) à près de 8 milliards d’euros !
Donc, si la volonté s’affiche clairement, les résultats demeurent très insuffisants.
Il faut dire que la tâche des enquêteurs et cyber-enquêteurs français s’avère extrêmement complexe car elle nécessite d’apporter des preuves fastidieusement glanées de falsification d’identités, de résidence à l’étranger, de dépassement du seuil des revenus.
Or ce travail pourrait être largement simplifié avec un peu de bon sens comme nous l’ont récemment prouvé la CAF de l'Isère et le Parquet de Grenoble qui ont apparemment réalisé une PREMIERE en signant une convention d’échanges de données !
Les revenus non déclarés par les trafiquants de drogue arrêtés par la police grenobloise ont été estimés et transmis à la CAF pour re-calcul des aides sociales.
Les plafonds de ressources ayant été dépassés pour 55 trafiquants/délinquants, ces derniers se sont vu retirer ou suspendre leurs allocations avec même dans certains cas, une demande de remboursement des arriérés !
Une goutte d’eau me direz-vous ? Et bien, non … L’échange de données inter-administrations, que chacun imagine automatique, ne l’est pas et le mettre en place est évidemment un grand pas en avant.
Cependant celui-ci reste largement insuffisant face à la défiance qui s’est installée dans l’esprit des contribuables français. Nombreux sont ceux qui estiment que l’Etat s’intéresse plus à augmenter ses ressources en harcelant « les fiscalisables » qu’à surveiller ses dépenses notamment en matière de protection sociale.
Face à la forte instabilité politique actuelle, créer de nouvelles lois pour lutter contre la fraude sociale semble sans avenir. Il faut donc suivre une voie plus simple et surtout repenser notre modèle social comme l’ont fait depuis plusieurs années l’Allemagne, le Canada ou encore la Nouvelle-Zélande.
Aujourd’hui, pour être éligible aux prestations sociales françaises, il n’y a globalement que deux données qui comptent :
-le montant des revenus familiaux, « le fameux plafond des ressources » à ne pas dépasser,
-le lieu de résidence et la durée de résidence.
En faisant reposer notre système de prestations sociales sur le seul indicateur RESSOURCES, nous avons créé un vaste réseaux de stratégies alternatives néfastes à notre économie.
Car pour vivre relativement confortablement tout en conservant des revenus en dessous des seuils prédéfinis par les différents organismes de protection sociale, certains sont tentés par des compléments de revenus illicites avec en pole position le travail au noir et les activités telles que la vente de stupéfiants !
Et lorsqu’on a déjà accès à un HLM, lorsqu’on bénéficie du RSA, de la CMU et à terme du minimum vieillesse, il n’y a pas besoin de fournir de belles feuilles de salaire pour séduire un bailleur ou un banquier…
De fait, nous avons créé de toutes pièces un éco-système peu vertueux très éloigné du concept de « Solidarité Exigeante » développé dès les années 2000 en Allemagne.
Et pourtant, les Français sont de plus en plus soucieux de préserver leur système de protection sociale menacé par un environnement budgétaire contraint… Plus personne ne croit désormais en la célèbre phrase de M. Emmanuel Macron parlant de « Droits et de Devoirs » car notre modèle social répondrait plutôt au slogan suivant : « Des Droits, Oui, des Devoirs, Non Merci ! ».
Il est grand temps de mettre en place des solutions simples et efficaces pour redonner du sens à une politique sociale « solidaire dans la responsabilité de chacun » et faciliter la lutte contre la fraude sociale et peut-être même contre l’insécurité.
Alors, que faire pour remédier à cette dérive néfaste, source de pertes financières et de désintégration de la cohésion sociale ?
A ces fins, il est urgent d’instaurer la signature d’un CONTRAT SOCIAL entre les bénéficiaires d’aides sociales et les organismes de protection sociale, véritable préalable obligatoire et incontournable à l’accès à notre généreux modèle social issu de l’effort collectif élevé des contribuables français.
Ainsi, les bénéficiaires d’aides sociales devraient obligatoirement s’engager avec leur cellule familiale à respecter les termes et les valeurs d’un CONTRAT SOCIAL signé avec les CAF, les offices de HLM, les CPAM, les Caisses de retraite…
Même si le niveau de ressources reste le critère de sélection, les valeurs et principes du CONTRAT SOCIAL devraient à minima couvrir les éléments suivants :
-pas de travail dissimulé,
-pas de dégradation des logements mis à disposition,
-pas de mensonge sur le statut notamment de femme isolée,
-pas de vente de drogue,
-pas d’activité illicite.
Pour certaines aides sociales, le Contrat Social pourrait même s’inspirer du Contrat d’engagement (travaux d’intérêt général, bénévolat…) mis en place pour le RSA afin que les allocataires retrouvent le plus rapidement possible une situation d’autonomie financière. Selon la doctrine allemande, si tout travail mérite salaire, tout salaire ou subvention mérite travail !
A la moindre infraction constatée par la police, le bailleur social ou tout autre fonctionnaire assermenté, « le CONTRAT SOCIAL » doit tout simplement être rompu de façon durable. Tout comme peut l’être n’importe quel contrat de droit privé.
En supposant que l’échange de données entre le couple Police-Justice et les Organismes de Protection sociale s’étende, la lutte contre la fraude sociale serait ainsi largement facilitée. Mais pour cela évidemment, la main du Politique ne doit pas trembler…
Le concept même de notre système de protection sociale serait légitimé par le fait que ceux qui profitent de la solidarité collective sans s’inscrire dans une dynamique positive en seront rapidement écartés.
Bien sûr, certains s’inquiéteront du devenir de la famille visée par cette procédure mais, pour redonner confiance aux Français qui contribuent et qui croient encore à la beauté de notre système de protection sociale, la générosité des Français doit se concentrer sur ceux qui ne trichent pas, sur ceux qui respectent les règles du « vivre ensemble » et voient en l’aide sociale une aide temporaire et non une simple opportunité, voire une rente.
2.7 millions de résidents français (Données USH 2024) sont en attente d’un logement social alors pourquoi laisser la place à ceux qui travaillent au noir, vendent de la drogue, dissimulent leurs revenus…
Catherine Rivory-Zivi, économiste
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