De son air toujours souriant, il lançait que « le rapport public annuel ne vise pas – du moins pas seulement – à épingler tel ou tel fait ou tel ou tel comportement qu’il est de notre devoir de porter à la connaissance du public », ne pouvant s’empêcher aussitôt d’ajouter : « Ce qui est le cas cette année avec […] l’organisation d’un séminaire des managers opérationnels de la SNCF à Tanger en 2011 pour un montant total de 2,7 millions d’euros, soit 1 430 € par jour et par personne. » C’est vrai qu’on travaille mieux sous le soleil marocain que sous la grisaille française.
Plus d’un client – pardon il faut dire « usager » selon la terminologie en vigueur à la SNCF -, a dû s’étrangler en entendant cela. Les 3.000 abonnés qui font, par exemple, le Tours-Paris tous les jours pour se rendre sur leur lieu de travail, au prix d’abonnements excessifs, dans des rames à peine rénovées, savent maintenant à quoi sert l’argent qu’ils déboursent tous les mois.
2,7 millions d’euros ou 14.673 aller-retour Paris-Lyon
Le prix moyen de l’aller-retour Paris-Tours est de 122 euros. Un Paris-Lyon aller-retour est à 184 euros et un Paris-Marseille aller-retour à 201 euros. Tout ceci sans abonnement, ni tarif spécial, il s’agit simplement du tarif que le passager lambda paiera. Si l’on prend le prix total du coût des vacances – pardon « séminaire » selon la terminologie en vigueur à la SNCF – des managers opérationnels, cela représente 22.131 aller-retour Paris-Tours ou 14.673 aller-retour Paris-Lyon ou bien encore 13.432 aller-retour Paris-Marseille. En d’autres termes, cette dépense aurait pu contribuer à diminuer le coût des billets que les simples citoyens et contribuables doivent débourser pour se déplacer.
Il faut souligner en outre que la politique des prix des billets SNCF vise à engranger le plus de chiffre d’affaire possible. Si certains syndicalistes de la SNCF se pensent « service public », la gestion tarifaire tient en réalité plus de la bourse que du tarif social.
En effet, la gestion tarifaire se fait à partir de l’optimisation du taux de remplissage des trains pour faire un profit maximal. Ceux qui prennent souvent le TGV le savent : les trains qualifiés en heure de pointe sont plus chers, avec le moins d’offres tarifaires possibles. Ce n’est que sur les trains les moins fréquentés que l’offre de prix est plus attractive. En somme il s’agit bien d’une bourse au billet, comme l’a dit un agent de voyage SNCF : « C’est un peu comme des traders, ils spéculent sur les prix, ils parient. » Aucun cadeau n’est fait à l’usager. C’est cet argent qui alimente les caisses de la SNCF et qui a donc servi à financer le séjour marocain des managers opérationnels. Ainsi, au double titre de client et de contribuables, chacun d’entre nous à un droit de regard sur ce séjour à Tanger.
Un don fait à l’économie marocaine ?
« Le séminaire annuel des managers de la SNCF a été organisé, en septembre 2011, à Tanger et a réuni pendant quatre jours environ 600 personnes pour un montant total de 2,7 millions d’euros », souligne le rapport de la Cour des comptes. Le chiffre global est effrayant et le détail est édifiant : « Le coût unitaire s’est élevé à 4.289 € par personne, soit 1.430 € par jour et par personne. » Sans compter que chaque participant a reçu en cadeau une tablette numérique : 650 ont été distribuées au total.
Et puis certaines dépenses sont curieuses. La Cour des comptes parle de « l’édification d’une tente pour un coût de 367.000 euros », puis d’un « dîner à 314 euros par personne » et enfin d’une visite privée d’un port « facturée 60.300 euros. »
C’est sans compter la cerise sur le gâteau : 1,1 millions d’euros pour des frais annexes, c’est-à-dire « pour une prestation d’“accompagnement et de scénarisation de contenu” sans qu’aucun bilan de l’opération n’ait été effectué. »
Pour les habitués de l’Afrique du Nord, pour ceux qui connaissent les prix pratiqués au Maroc ou en Tunisie, pour tous ceux qui ont un jour monté un événement dans les pays du Maghreb pour une société ou une organisation occidentale, ce montant soulèvera immédiatement une foule de questions ainsi qu’un sourire en coin.
Et en effet, la Cour des comptes souligne qu’un audit de 2009 avait calculé que le prix de revient aurait dû être de 300 euros par jour et par personne, ce qui est déjà généreux. La SCNF n’aurait donc dû payer que 720.000 euros pour les 600 personnes pour 4 jours.
Devant ces 2,7 millions d’euros dépensés pour cet événement, la Cour des comptes utilise les termes suivants : « Son impréparation a entrainé un dépassement de 82 % du montant initial sans justification suffisante. » Une « impréparation » qui coûte cher en effet, qui n’est pas justifiée et ne le sera sans doute jamais…
Chaque contribuable aimerait voir les factures de ce séminaire dont le budget est plus digne de New York que d’une ville marocaine. En tout cas l’économie marocaine a pu bénéficier des largesses de la SNCF, tant mieux pour elle. Espérons au moins que les managers opérationnels qui profitaient du soleil de Tanger ont bu à la santé des « usagers » de la SNCF qui leur ont financé ce séminaire.
Philippe Lebon
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