Désindustrialisation : que faire ? "Le grand-père et le Président", la chronique de Xavier Fontanet. Chapitre 16

Écrit par Xavier Fontanet
Désindustrialisation : que faire ? "Le grand-père et le Président", la chronique de Xavier Fontanet. Chapitre 16 D.R.

Xavier Fontanet est essayiste, ancien directeur général des Chantiers Bénéteau et ex-président d’Essilor. Il est membre de l'Institut des Solutions. Il est notamment l’auteur de "Si on faisait confiance aux entrepreneurs. L’entreprise française et la mondialisation" (Les Belles Lettres). Xavier Fontanet signe pour Contribuables Associés une série de chroniques exclusives intitulées "Le grand-père et le Président". Il y livre ses recettes de bon sens pour relever la France.

La scène se passe à Paris en 2027, où une discussion s'ouvre entre un grand-père, Auguste, 90 ans et toute sa tête, et son petit-fils Antoine, qui en a 40. Auguste a vécu en province, il a fait toute sa carrière en entreprise, il dispose, du fait de son métier, d’une grande expérience internationale. Antoine, son petit-fils, lui, a vécu à Paris, a fait l’ENA et travaillé dans l’administration, puis dans les cabinets ministériels. Il est entré en politique et vient d'être élu président de la République. Il a l’habitude de demander conseil à Auguste, avec lequel il a un lien très fort. Dans ce 1e chapitre, nous les écoutons échanger sur la désindustrialisation et les mesures à prendre pour contrer ce phénomène et rebâtir un industrie française.

 

Désindustrialisation : que faire ?


Antoine
On ne parle que de désindustrialisation dans les journaux, j’ai mes idées sur la question, toi qui as passé tout ton temps dans les avions à développer ton entreprise dans le monde, que dis-tu ?

Auguste
Sujet capital ! L’industrie est, pour un pays, un gage de prospérité, les grands pays riches sont tous industriels. L’industrie crée tout un écosystème avec des sous-traitants, de la recherche, elles tirent les universités : Clermont-Ferrand avec Michelin, Limoges avec Legrand, Bâle avec Novartis, Vevey avec Nestlé ; cela crève les yeux dès qu’on voyage.

Antoine
A l’inverse quand l’industrie tombe les villes et les régions souffrent ! J’ai compris que dans les vingt dernières années notre taux d’emploi industriel est passé de 22% à 12%

Auguste
Pour moi qui suis industriel c’est une honte.

Antoine
Pour toi d’où cela vient-il ?

Auguste
Le coup vient de loin. Je vais prendre l’exemple du textile, il était notre première industrie dans le Nord, il y a cinquante ans, nous avions une énorme expérience industrielle dans le domaine. Nous utilisions des machines très sophistiquées que des spécialistes avaient mis au point avec notre aide d’ailleurs ; elles permettaient de compenser les écarts de coût de main-d’œuvre avec les pays en voie de développement, écarts, qui à mon époque étaient d’un à sept voire plus encore. Il se trouve que les fabricants de machines textiles, qui n’étaient pas possédés par les fabricants, ont commencé à les vendre en Inde, en Corée et en Chine. Très vite, des produits bons marché sont arrivés dans les magasins et les consommateurs les ont achetés.

Antoine
Tu es en train d’expliquer que : un, les fabricants de textile auraient dû acheter les fabricants de machine et deux, que ce sont les clients qui ont permis la délocalisation.

Auguste
Évidemment ce n’est pas le PDG qui délocalise, c’est le client par ses achats.

Antoine
C’est nouveau je ne l’avais jamais entendu.

Auguste
C’est le client qui finance le processus, le client est roi, on ne l’explique pas assez, il faut avoir été du côté du vendeur pour le comprendre.

Antoine
D’autres secteurs que le textile sont concernés ?

Auguste
Bien sûr ! Ce qui a joué sur une grosse échelle, ce sont les ingénieurs qui ont passé les savoir-faire dans des métiers comme l’acier de base et la chimie lourde ; c’est cela qui a mis le pied à l’étrier à des entrepreneurs et permis la formidable croissance de certains pays.

Antoine
Pour toi, dans ton cas personnel, comment cela s’est-il passé ?

Auguste
Dans mon cas, mon entreprise contrôlait complètement le processus industriel, tout était breveté, il n’y avait pas de fabricants de machine, c’est nous qui les faisions. Ce transfert d’expérience par les fabricants de machine ne s’est pas produit.

Antoine
J’ai entendu dire que le général de Gaulle, quand il avait visité Michelin, n’avait pas pu voir tous les ateliers, certains étaient Top secret.

Auguste
Tu as compris toute l’importance de la propriété du process ; c’est fondamentalement ce qui explique pourquoi certains ont gardé leurs usines chez eux et pourquoi dans d’autres cas elles ont filé.

Antoine
Très clair mais qu’est ce qui explique que certains industriels français mettent aujourd’hui leurs usines en Allemagne, en Espagne ou aux Pays-Bas ?

Auguste
Parce que c’est plus cher de produire le même produit en France qu’aux Pays-Bas.

Antoine
Pas possible, dans le cas que j’évoque, c’est le même process donc les mêmes temps de production et les salaires sont à peu près les mêmes, on est en Europe.

Auguste
C’est bien qu’on en parle. Le vrai sujet ce sont les charges et les impôts que l’on met sur les entreprises. Les charges sociales rentrent dans les prix de revient et les impôts sur les bénéfices (sur lesquels viennent se greffer des impôts de production) montent les coûts et réduisent les capacités d’investir si tu es en France. Je te rappelle que la dépense publique en France (sphère sociale comprise), est à peu près à 58% du PIB alors que la moyenne de l’OCDE est à 41%.

Antoine
Je ne comprends pas 58-41 cela fait 17, 17 points, c’est important, mais pas mortel !

Auguste
Tu calcule bien mal, le vrai écart c’est un à deux.

Antoine
Pas possible, comment calcules-tu ?

Auguste
En France, la sphère privée est de 42% du PIB, ce qui fait que la sphère publique représente138% de la sphère privée (58/42) alors que dans l’OCDE elle n’est que 69%, (41/59), du PIB.
Prends ta calculatrice, 138/69 fait très exactement deux. Notre sphère publique rapportée à notre sphère privée est deux fois plus lourde que la moyenne de l’OCDE !

Antoine
Effarant !

Auguste
Eh oui ! Si elle était deux fois plus efficace, cela passerait, mais à écouter les citoyens, cela n’a pas l’air d’être le cas !

Antoine
Tu vas être content, un article qu’on a glissé dans la revue de presse comparait notre État à un jockey trop lourd, son surpoids étant la cause directe de notre balance commerciale désastreuse et de la désindustrialisation qui mine le pays. Il faut que je popularise une image ou un slogan de ce type pour que tout le monde comprenne !

Auguste
Le jockey c’est une bonne image. Je peux t’en proposer une autre si tu veux. Je suis tombé il n’y a pas longtemps sur un dessin en première page d’un quotidien asiatique. C’était une course de bateaux à rames. Chaque bateau représentait un pays. Les bateaux avaient, en général, six rameurs et quatre barreurs. La France se distinguait des autres parce qu’il y avait dans l’embarcation quatre rameurs et six barreurs. Il y avait un commentaire pas très optimiste sur ses chances de gagner.

Antoine
Ils ont un peu arrondi les chiffres, 58 à 60 et 41 à 40, mais c’est bien vu ! Quelle première mesure prendrais-tu pour faire maigrir le jockey si tu étais à ma place ?

Auguste
Faire ramer quelques barreurs ! La décision ? Que l’État arrête de combler les caisses sociales ! Le diagnostic, Antoine, est simple, : le déficit est de 150 milliards, celui des retraites, on vient de l’apprendre, c’est 70 milliards (si on met ensemble le régime général, celui des fonctionnaires et les régimes spéciaux) ; le COR (Conseil d'Orientation des Retraites) n’a pas été transparent et les économistes n’ont pas fait leur travail ; tu rajoutes le déficit des caisses de santé, je dis 30 milliards de tête, on est à 100. La majorité du déficit public vient de la sphère sociale. L’Etat n’a plus les moyens de le combler d’autant qu’il va falloir augmenter les dépenses militaires. La mesure la plus efficace c’est ce qu’on fait plusieurs pays : l’État annonce qu’il n’a plus les sous pour combler les trous des caisses sociales. Deux cas de figure : soit laisser syndicats et patronat gérer la sphère sociale, soit laisser des assurances privées la gérer.

Antoine
Grand-père, impossible !

Auguste
Antoine, d’autres l’ont fait ! Notamment les Allemands et cela a marché. Gerhard Schröder a expliqué en 2003 que l’État n’avait plus le sou et ne pourrait plus financer les pertes des caisses de santé et de retraite ; cette décision a complètement soulagé les comptes publics, il suffit de regarder les chiffres.

Antoine
Oups ! Musclé ! Si je te comprends bien, il faut persuader les Français qu’il n’y a plus de sous, qu’un État c’est comme un ménage. La bienveillance des marchés financiers ne va pas durer éternellement.

Auguste
Il vaut mieux anticiper les réformes que d’y être forcés dans des conditions brutales comme cela s’est passé en Argentine, en Grèce et au Portugal. Redonner la gestion de la sphère sociale au patronat et aux syndicats pourrait permettre de faire émerger un syndicat responsable et comprenant l’équilibre à respecter entre l’économique et le social.

Antoine
Au fond le drame dans notre pays, on l’a dit plusieurs fois, c’est l’idée d’État-Providence. Voilà encore un bel exemple de manipulation de la pensée par le langage. C’est à Chirac qu’on la doit, c’est lui qui a fait croire que l’argent tombait du ciel et que l’État allait s’occuper de tout. Jolie façon d’infantiliser les Français, d’autant que la moitié ne paye pas l’impôt sur le revenu !

Auguste
Exactement ! Si tu obtiens cette évolution des mentalités et fais comprendre que chacun doit y mettre du sien, l’Histoire le retiendra.

Antoine
On va me dire "Rigueur" !

Auguste
Tu répondras "Sveltesse" !

Antoine
Je vais me faire descendre par tous ceux qui vont expliquer qu’en baissant la dépense publique on va faire baisser le PIB et créer du chômage.

Auguste
Demande à tes services de comparer l’évolution de la dépense publique, celle du PIB et de la dette publique de l’Allemagne, du Canada et de la Nouvelle-Zélande après leurs reformes, tu verras que la croissance du PIB n’a pas été affectée, elle a même rebondi et la dette a baissé. Le secret : ils ont baissé les impôts en même temps que les dépenses publiques. Fais-toi montrer les chiffres.

Antoine
Je passe du coq à l’âne, une autre idée qui a fait énormément de dégâts est celle d’une « économie sans usine ». Cette idée s’est installée en France il y a une vingtaine d’années, on intellectualisait la désindustrialisation, venant d’un PDG, Serge Tchuruk qui dirigeait un leader mondial français et qui a sombré dans les classements, Alcatel. 

Auguste
L’idée d’une économie sans usine c’est une façon de ne pas regarder en face le problème de la désindustrialisation, ce qui pour moi est un drame.

Antoine
En 50 ans, on est passé de 25% à 12% d’industrie dans notre PIB.

Auguste
Il faut revenir à des idées simples, les pays prospères sont ceux où les usines éclosent car le terrain économique est fertile. Demande à tes équipes de te faire un graphique : pourcentage de l’industrie dans le PIB et PIB par tête tu verras, les deux sont corrélés.

Auguste
Grand-père, aurais-tu l’idée d’un axe simple sur lequel fixer les Français ?

Auguste
L’attractivité ! Il faut expliquer qu’en baissant les dépenses publiques on fait d’une pierre deux coups : on stimule la compétitivité de nos entreprises et on attire sur notre sol les meilleures mondiales.
La bonne stratégie n’est pas de dire "On réindustrialise" mais "On va être le plus attractif d’Europe".

Antoine
Je reconnais qu’aujourd’hui, les entreprises mènent le jeu, ce sont elles qui créent les jobs, pas l’État. Deux Gafam ont des capitalisations plus élevées que le PIB de pays comme le nôtre. Dans le domaine du numérique, elles ont des budgets d’investissement supérieurs à ceux de l’Europe entière.

Auguste
Attention, même les PME pensent aujourd’hui mondial, elles choisissent le lieu où elles vont installer leurs usines et leurs centres de recherche.

Auguste
Le jeu a complètement changé depuis une vingtaine d’années, il s’est créé un gigantesque marché de l’emploi, celui de toutes les entreprises mondiales qui veulent investir en Europe. On parle là de millions de jobs potentiels. Le jeu pour les pays et les régions est aujourd’hui d’être attractif. Ce sont les zones attractives qui auront les bons jobs sur leur sol. Ce sont eux qui n’auront pas de chômage.
Le chômage c’est une affaire de concurrence entre pays, la dépense publique qui stimule l’économie c’est une idée qui n’a plus de sens dans le monde actuel.

Antoine
Attends, peux-tu me réexpliquer ?

Auguste
Tu connais les chiffres, la France c’est 20 millions d’emplois plein temps hors fonction publique. Est-ce que tu connais le nombre d’emplois d’entreprises dont l’actionnaire est étranger ?

Antoine
Non.

Auguste
Environ trois millions et ce sont des emplois à très forte valeur ajoutée. Tu connais le nombre d’employés par les entreprises françaises à l’étranger ?

Antoine
Non !

Auguste
Environ 7 millions.

Antoine
Fichtre ! Tant que cela ? Au fait ces entreprises ont combien d’employés en France ?

Auguste
7 millions, elles sont en effectif 50%, France 50% international. Les chiffres sont donc une fois encore très simples. Sur les 20 millions d’emplois, la moitié, (les 3 et les 7 millions) sont des jobs qui dépendent de l’attractivité de la France.

Antoine
Tu veux dire que si elle décroît, les 3 millions vont baisser et les 7 millions aussi car les entreprises françaises internationalisées vont investir ailleurs.

Auguste
Tu as pigé ! Le système marche en sens inverse, si la France devient attractive, les 3 millions et mes 7 millions augmentent et le chômage chute.

Antoine
Comment fait-on pour être attractifs ?

Auguste
On attire une entreprise quand on démontre à l’investisseur que son terreau économique est sain, que les impôts et les normes y sont raisonnables et que les syndicats sont compréhensifs. L’expression anglaise est « business minded ».

Antoine
Qu’est-ce que je peux faire ?

Auguste
Va visiter des pays ou des régions attractives en Europe : la Bavière, la Catalogne, la Lombardie, le Bade-Wurtemberg. Il existe quelques régions françaises, modèles en matière d’attractivité, notamment la Vendée et la région de Vitré. Tu constateras qu’il n’y a pas de chômage. Il faut t’inspirer d’elles et aller voir sur le terrain les recettes de leur succès. Tu verras de tes yeux des zones industrielles actives, tu verras que les maires se sont mouillés, que la sphère publique locale et les syndicats sont alignés que toute la population est derrière eux !

Antoine
Les maires ?

Auguste
Évidemment le maire est très important, il incarne sa ville, son implication a été clé dans nombre de mes décisions de m’installer.

Antoine
L’idée que je retiens est celle-ci : "Dans un monde concurrentiel, il faut être accueillant".

Auguste

Changeons notre "Bonjour" en "Bienvenue" et notre "Au revoir" en "À votre service".

Antoine
Je reviens à la compétitivité. Tu crois que les entreprises Françaises vont tenir le choc de la concurrence mondiale ?

Auguste
Avant de répondre à ta question, un mot : pour être attractif il faut des syndicats coopératifs, il faut qu’ils comprennent qu’ils sont clé dans l’image d’attractivité. Veux-tu que je te dise ce que tu veux entendre ou ce que je pense vraiment ?

Antoine
Ce que tu penses vraiment.

Auguste
Eh bien, je te dis que la situation est mauvaise avec les grèves Sncf, les grèves de dockers. Je suis tombé hier sur une étude d’un cabinet, nous sommes en tête du classement des grèves avec 57 jours pour 1 000 salariés. En Norvège et en Finlande c’est 50 jours, le Royaume-Uni 30, l’Allemagne 13. Tu peux être sûr que dans les dossiers d’investissement des grandes entreprises internationales, ces chiffres sont en bonne place.

Antoine
Quel est le nom du cabinet à l’origine de cette étude ?

Auguste
La fondation allemande Hans Böckler.

Antoine
Bien enregistré, j’en reviens à ma question, nos entreprises tiennent-elles la route face aux entreprises étrangères?

Auguste
Regarde le CAC 40, il est rempli de leaders mondiaux, les Français sont capables de relever le défi ; ils réussissent très bien dans les métiers compliqués, les travaux publics, l’eau, le luxe, les assurances, les logiciels complexes. Les métiers qui demandent de la discipline et de la précision, c’est pour les Allemands et les Japonais ; les métiers encore mal définis, qui demandent de la débrouillardise, les Français y sont à l’aise. On peut aussi s’allier entre Européens, regarde Airbus. Quand la rigueur des Allemands réussit sur la durée à s’allier à la créativité des Français, cela fait des merveilles. Boeing est en train de couler face à Airbus, cela montre que les Européens peuvent exceller dans de très gros métiers industriels. On parle du luxe LVMH et L’Oréal mais regarde aussi Safran, Schneider, Air Liquide, Essilor- Luxottica, Dassault Systèmes. On a raté de très belles opportunités, on avait une avance dans les centraux téléphoniques, on avait inventé Internet avec le minitel, EDF... On pouvait avoir en France une affaire qui dépasse les 500 milliards de capitalisation si la gauche ne l’avait pas dézinguée, j’en pleure tous les jours. Les écolos n’ont toujours pas compris l’actif exceptionnel qu’EDF représente.

Antoine
Calme-toi grand-père, bien reçu. Notre défaut est notre esprit critique, on cherche toujours à voir ce qui ne va pas, quand on a trouvé ce qui ne marche pas, on est content et on considère qu’on a fait sa journée !

Auguste
On a aussi des qualités, c’est l’envers de nos défauts : on est créatifs et débrouillards je l’ai dit plus haut.

Antoine
Mais as-tu tout dit sur l’attractivité ?

Auguste
Non ! Les normes ! Un des pires ennemis de l’attractivité est la complexité créée par les normes. Un des grands chantiers devrait être la simplification. J’avais une formule "Saint Plifié priez pour nous !"

Antoine
Je ne peux pas utiliser une telle formule !

Auguste
Bien dommage ! Il faudrait trouver un mot d’ordre. Une bureaucratie crée par nature des règlements. Une sphère publique trop développée crée trop de règlementation.

Antoine
Ce n’est pas nécessaire d’enfoncer le clou, je sais que nous sommes mal placés.

Auguste
L’excès de normes est le signe d’un nombre trop élevé de fonctionnaires. L’un des domaines où la complexité est la pire, ce sont les impôts, il y en a des centaines ; notre administration fiscale est d’une efficacité remarquable, elle s’y retrouve, mais les entreprises sont complètement perdues voire découragées et notre réputation à l’étranger en pâtit, là aussi. Il faut savoir que certains pays réfléchissent très sérieusement à l’idée de réduire le nombre d’impôts à cinq avec un taux unique.

Fais le calcul sur un dos d’enveloppe : une sphère publique régalienne ne devrait pas coûter plus de 25% du PIB. Imaginons un système fondé sur une TVA, un impôt sur les revenus (salaires et dividendes), un impôt sur les bénéfices des entreprises et un impôt sur les plus-values ; on met les droits de succession à zéro comme le fait toute l’Europe du Nord. Le taux d'imposition serait de … 16,5 %.

16,5% = 25% / (6 + 6 + 2 + 1). 6, c’est la part des salaires dans le PIB, et la part de la consommation dans le PIB ; 2, c’est la part des résultats d’exploitation par rapport au PIB ; 1, c’est la part des plus-values nettes réalisées par rapport au PIB. 25, c’est la part de l’ensemble des dépenses régaliennes

Maurice Lauré, un grand fonctionnaire à l’époque de de Gaulle, l’inventeur de la TVA, allait encore plus loin. Il pensait qu’il fallait un seul impôt, un seul, une TVA égale à la part de la sphère régalienne dans l’économie, à l’époque 20%.

Antoine
Grand-père, cela ne peut pas passer sous cette forme parce qu’une flat tax suppose que tout le monde paye l’impôt alors que la moitié de nos compatriotes n’en paye pas ; mais l’idée est bonne.

Auguste
Demande-toi aussi si c’est sain que la moitié des concitoyens ne paye pas l’impôt. C’est ce qui a mis l’idée d’État-Providence dans la tête de la moitié des Français.

Antoine
C’est bien, les choses se mettent progressivement en place dans ma tête : on abandonne les idées de Keynes et les bienfaits de la dépense publique ; on explique que cela freine la croissance et qu’au bout du bout cela empêche le pouvoir d’achat de croître. Concentration de l’État sur le régalien, sortie du paritarisme, effort sur les dépenses militaires, attractivité et simplification, voilà les axes de la nouvelle stratégie.

Auguste
Rajoute une petite couche d’optimisme, "on n’est pas si mauvais que cela !". Il faut avoir confiance, nous avons des défauts mais aussi des qualités. Attention Antoine, tu oublies une composante clé de l’attractivité :l’éducation, la formation des jeunes Français.Le niveau d’éducation pèse énormément dans les décisions d’implantation. L’apprentissage n’est pas assez développé. Notre Éducation nationale regorge de gens dévoués et talentueux mais le système est embourbé. L’organisation est trop centralisée et trop complexe. Nos enseignants n’ont pas le moral. Les outils pédagogiques évoluent à toute vitesse et vont changer leurs conditions de travail. Il faut de l’expérimentation et donc de la décentralisation ; il faut absolument bouger. Il faut un grand ménage et le faire avec eux.

Antoine
Merci grand-père, je file.

Fin du chapitre 16. La suite, au prochain épisode...

Publié le mardi, 17 décembre 2024

Laissez un commentaire

Assurez-vous d'entrer toutes les informations requises, indiquées par un astérisque (*). Le code HTML n'est pas autorisé.

Votre adresse email ne sera pas affichée sur notre site Internet.