Coût de l’immigration : Jean-Paul Gourévitch répond à la désinformation de Maître Charly Salkazanov de la Fondation Jean Jaurès

Écrit par Jean-Paul Gourévitch

L’avocat Charly Salkazanov est l’auteur d’un article sur le coût de l’immigration publié le 18 septembre 2024 par la Fondation Jean Jaurès. Cet article à charge s’attaque aux travaux de Jean-Paul Gourévitch, auteur de l’étude Le coût réel de l’immigration en 2023 publiée par Contribuables Associés. Vous lirez ci-après le droit de réponse de Jean-Paul Gourévitch.

Préliminaires

Au début de son article, Monsieur Salkazanov, qui sans doute ne s’est pas relu, a confondu l’analyse de l’Observatoire de la démographie et de l’immigration et celle de Contribuables Associés puisque, dans le paragraphe consacré au premier, il évoque la seconde : « C’est la méthode des Contribuables Associés qui interroge ». Les deux organismes ont pourtant des approches différentes.

L’auteur diffuse une fake news qui me touche directement. L’auteur écrit que « Jean-Paul Gourévitch n’est ni économiste ni statisticien. Cet ancien consultant sur l’Afrique est désormais un adepte de la théorie du Grand Remplacement ». Cette dernière phrase relève de la diffamation. Non seulement son auteur n’a visiblement pas ouvert l’ouvrage de 256 pages que j’ai publié chez Pierre-Guillaume de Roux en 2019 Le Grand Remplacement réalité ou intox ? ni La Tentation Zemmour et le Grand Remplacement publié chez Ovadia en 2021. Les constats sont clairs et aucun lecteur sérieux ne peut soutenir que j’avalise cette théorie. Il est souhaitable, quand on publie sur la toile, de contrôler ses informations.

Où Monsieur Salkazanov est-il allé pêcher cette contre-vérité ? Sans doute sur ma page Wikipédia où il est indiqué qu’ « en août 2023, France Info affirme que Gourévitch « se dit politiquement neutre mais il est adepte de la théorie du grand remplacement ». France Info m’a refusé un droit de réponse et Contribuables Associés a saisi de cette affaire l’ARCOM qui près d’un an après n’a toujours pas répondu. Je signale à Monsieur Salkazanov que mon avocat a justement engagé une plainte en diffamation avec mise en demeure contre Wikipedia pour faire justice de telles impostures.

La réaction de Monsieur Salkazanov est toutefois intéressante car elle montre quels dommages une fake news peut générer chez des « spécialistes » qui ne prennent pas le temps de vérifier une information diffusée par un seul canal qui ne brille pas par sa neutralité.

La question du coût de l’immigration

Nous pouvons tomber d’accord sur le principe que le coût de l’immigration est une « question complexe » sur laquelle il faut « faire primer la raison sur l’émotion ». L’auteur cite sur ce point deux études qui « retiennent l’attention », celle de l’OCDE et celle du CEPII. Il semble malheureusement qu’il ne les ait lues qu’en diagonale.

L’étude de l’OCDE

Contrairement à ses affirmations, la très sérieuse analyse de Fondapol, la Fondation pour l’innovation politique, qui a décortiqué l’analyse de l’OCDE dans sa brochure Immigration : comment font les Etats Européens, mars 2023, présente page 34 une conclusion sans appel : « Selon l’OCDE, en France, l’immigration coûte plus cher qu’elle ne rapporte. »

L’OCDE analyse « la contribution nette à la fois des immigrés et des natifs issus de l’immigration en pourcentage du PIB du pays d’accueil » sur 13 années de données disponibles (2006-2018). Elle n’englobe donc nullement les Français nés à l’étranger comme l’affirme l’auteur.

Si l’on prend en compte les « biens congestibles » (fourniture d’eau, d’énergie, services publics, transports en commun) et les « biens purs » (« ceux dont chacun peut bénéficier sans en priver les autres »), la contribution budgétaire nette des immigrés « représente un coût d’environ 20 milliards en 2018 » et, si l’on prend en compte la première génération de descendants d’immigrés, « elle tombe à 1,41% du PIB soit un coût d’environ 33 milliards d’euros en 2018… La population des demandeurs d’asile n'est qu’en partie couverte dans la population immigrée ciblée ».

Si nous gardons le même pourcentage actualisé sur le PIB 2023, soit 2 806 milliards d’euros, le déficit serait de 39,6 milliards d’euros pour les immigrés et leurs descendants directs, sans compter le surcoût de l’immigration irrégulière. Exactement l’estimation de l’OID et celle de Contribuables Associés pour 2022 !

Cette dernière a été portée à 53,9 Mds d’euros en 2023 du fait essentiellement de la prise en compte pour la première fois des dépenses médicales générées par la consommation de drogue et de tabac pour la partie relevant de l’immigration, et accessoirement de l’augmentation du coût de l’hébergement d’urgence du fait de l’arrivée des déplacés ukrainiens.

L’étude du CEPII

La seconde étude, celle du Centre d’Etudes Prospectives et d’Informations Internationales (CEPII), réalisée par des économistes « de gauche » (Xavier Chojnicki, Lionel Ragot…), bien que publiée en 2022, porte sur les années 1979-2011, ce que Monsieur Salkazanov oublie évidement de signaler.

Elle ne prend en compte que les immigrés et non leurs descendants. La note rédigée le 28 mars 2022 concède : « Notre dernière étude sur données françaises met ainsi en évidence une contribution nette des immigrés généralement négative sur le budget entre 1979 et 2011, mais d’ampleur très faible, comprise dans une fourchette de plus ou moins 0,5 % du PIB ».

Ce qui représente néanmoins plus de 10 milliards d’euros. Ces données très anciennes ne sont pas toutefois pas d’une très grande utilité pour évaluer l’impact financier actuel de l’immigration.

L’étude de Contribuables Associés 2023

Où Monsieur Salkazanov se surpasse, c’est dans la conclusion de son analyse. « Entre manipulation des chiffres, estimation erratique et manque de rigueur scientifique, on ne sait pas d’où viennent les chiffres tirés de cette étude ni à quoi ils se rapportent ».

Un jugement si péremptoire témoigne-t-il de désinvolture ou de mauvaise foi ? Nous aurions « remplacé les chiffres officiels par des estimations », et retiré les bénéfices de l’éducation des immigrés et leur progéniture ce qui « fausserait la balance avec les dépenses ». Visiblement l’auteur de cette diatribe n’a aucune notion de la prudence scientifique indispensable en cette matière.

Nous avons clairement expliqué que malgré l’effort fait pour identifier les postes de recettes et de dépenses, il existe dans certains domaines une « pénombre de l’immigration » quand nous possédons des éléments chiffrés concernant les dépenses mais pas les recettes ou vice versa. C’est le cas, par exemple, des investissements éducatifs intérieurs ou du coût des étudiants étrangers.

Nous avons donc choisi méthodologiquement de ne faire entrer ni les unes ni les autres dans nos calculs. Si nous l’avions fait le déficit aurait probablement été accru.

La solution Salkazanov

Après avoir tenté de déconstruire les travaux de ses adversaires, l’auteur présente ses solutions qui correspondent à la doxa d’une certaine gauche. Il faut « investir dans les politiques publiques d’intégration » car « l’immigration crée indéniablement de la richesse…Chaque année l’immigration qualifiée permet d’innover et de produire davantage… Quant à l’immigration non qualifiée, elle comble les besoins élémentaires dans les métiers en tension ».

Personne ne nie l’apport au PIB du pays des migrants légaux qui occupent un emploi. Nous avons nous-même, et nous sommes sans doute les seuls, établi qu’elle rapportait 21,13 milliards d’euros à l’Etat.

Mais l’immigration ne se limite pas à l’immigration de travail qui n’est affichée comme priorité que par 13% des migrants, loin derrière les motivations étudiantes (35%), et familiales (32%). Sans doute ce chiffre pourrait -il être amendé du fait de ceux qui ne sont pas venus prioritairement pour occuper un emploi mais finissent par chercher du travail et de ceux qui l’ont trouvé dans le secteur informel.

C’est en tout cas moins d’un tiers des immigrés et de leurs descendants directs. Les autres génèrent des coûts sociaux, régaliens, sociétaux, sécuritaires, humanitaires ou éducatifs qui ne sont nullement compensés par les taxes sur leur consommation

Pour ne pas conclure

Un tel débat aurait pu être instructif si la volonté de positiver financièrement l’immigration contre des amalgames ou des schématisations qui détourneraient de la vérité des chiffres n’était pas mise au service d’une idéologie. La déontologie minimum exige que dans tout débat sur une question si clivante soient présentées sans trucage les estimations des chercheurs de tous bords qui ont travaillé sur cette question.

Aucun spécialiste n’oserait aujourd’hui prétendre que l’immigration actuelle rapporte plus qu’elle ne coûte. Les économistes « de gauche » comme Jean Christophe Dumont tablent sur un déficit actuel minime (entre 4 et 19 milliards d’euros). Il est beaucoup plus important (71 milliards d’euros) pour les économistes « de droite » comme Gérard Pince. Et colossal pour ceux « d’extrême-droite » comme André Posokhow (entre 256 et 298 milliards d’euros).

Les études sérieuses et sourcées comme celles de l’OID ou de Contribuables Associés se situent au milieu de la fourchette et en cohérence avec celles de l’OCDE et d’autres organismes internationaux.

Mais le but de l’auteur n’est à l’évidence pas de faire un état des lieux préalable à son plaidoyer. Sa conclusion l’indique explicitement. « Immigration= chômage » scandait le Front National du temps de Jean-Marie Le Pen. Il serait de bon ton de le corriger par « Fin de l’immigration= récession économique ». La référence au FN est significative.

Comme je l’ai écrit, « la frilosité a longtemps été la ligne de repli des politiques de gauche sur l’immigration ». Je l’ai éprouvé moi-même puisqu’en 2011 j’avais été contacté par le think tank Terra Nova, proche du PS, pour fournir un document méthodologique à ses adhérents sur les coûts de l’immigration. J’avais été informé alors que mon étude « extrêmement documentée » et « très riche » ne « [pouvait] être diffusée » car elle laissait entendre que les coûts de l’immigration sont supérieurs à ses bénéfices.

Alors qu’une grande partie de l’opinion publique penche pour une maîtrise de l’immigration et de ses coûts, des organismes de gauche comme La Fondation Jean Jaurès ont, à mon avis, bien mieux à faire que de mener une croisade peu honnête et mal sourcée contre des chercheurs indépendants de toute mouvance politique et qui essaient simplement de fournir à leurs concitoyens les outils pour qu’ils fassent leurs choix en connaissance de cause.

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Publié le vendredi, 20 septembre 2024

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