Affaire Delon : les dessous fiscaux de la succession

Écrit par Olivier Bertaux
impôts-alain-delon © Shutterstock

La succession d’Alain Delon semble ouverte avant même la disparition de l’intéressé. C’est malheureusement le triste lot de bien des familles où l’affectif et le spéculatif entrent souvent en collision. olivier bertaux contribuables associes

Des tensions seraient apparues entre son fils Anthony qui souhaite que son père puisse finir ses jours dans sa résidence du Loiret, et sa fille Anouchka qui voudrait l’emmener en Suisse où il possède aussi un logement et où elle-même réside.

Au cours des nombreux et virulents échanges entre les enfants, s’est immiscée l’idée selon laquelle la raison du conflit serait en partie fiscale.

Pour faire simple, si Alain Delon s’éteint en France, ça coûterait plus cher en droits de succession que s’il a le temps d’installer une résidence fiscale suisse avant de disparaître.

Si cela est assez exact en raison de la résidence fiscale suisse d’Anouchka, la dénonciation par la France de la convention fiscale franco-suisse en matière de droits de succession n’est pas pour rien non plus dans ce contexte fiscal bien particulier.

Rappelons en effet que la France taxe entièrement une succession dès lors que soit le défunt, soit l’héritier est résident fiscal français.

En outre, si l’un et l’autre résident à l’étranger, les biens situés en France sont tout de même taxés en France.

Autrement dit, il suffit qu’un des trois acteurs de la succession (le mort, l’héritier ou le bien transmis) soit en France pour qu’il y ait taxation.

De plus, les droits de succession ne sont pas neutres puisque même en ligne directe, le taux atteint 45 % dès que la part taxable de l’héritier atteint 1 805 677 euros, ce qui sera sans doute le cas ici au regard du patrimoine qu’a pu se constituer Alain Delon tout au long de sa carrière.

En face, si la Suisse prévoit des droits de succession, au niveau non pas confédéral mais cantonal, ceux-ci sont pour ainsi dire nuls en ligne directe…

Autrement dit, si un enfant d’Alain Delon arrive à échapper à l’impôt français, ce ne sera pas pour tomber dans l’impôt suisse.

Pour ce faire, il faut que ni Alain, ni son enfant, ni l’actif ne soit rattaché à la France.

Anouchka, en tant que résidente fiscale suisse, pourrait donc en profiter pour les biens situés hors de France dont elle hériterait, qu’il s’agisse de l’appartement de son père en Suisse ou de l’argent qui pourrait y être placé (rappelons que l’intéressé a récemment vendu aux enchères pour 8 millions d’euros d’œuvres d’art).

En revanche, le départ d’Alain Delon pour la Suisse n’empêcherait pas Anthony de payer plein pot en France puisqu’il y réside.

Lorsque le défunt est résident français mais pas l’héritier, la loi française permet juste d’éviter la double imposition en imputant sur l’impôt français l’impôt étranger acquitté à raison des biens situés à l’étranger.

Cette disposition n’est cependant ici d’aucune utilité puisque nous avons vu qu’il n’y aurait pas d’impôt en Suisse.

L’objet du débat n’est pas d’éviter la double imposition mais bien l’imposition française. Or, si cela nécessite aujourd’hui un départ en Suisse d’Alain Delon, il n’en a pas toujours été ainsi.

En effet, l’ancienne convention fiscale entre la France et la Suisse, dénoncée par la France en 2015, prévoyait une imposition exclusive des biens immobiliers dans le pays où ils sont situés et le patrimoine financier dans le pays de résidence du défunt.

Ainsi donc, les immeubles suisses du patrimoine Delon auraient pu dans tous les cas être exonérés de droits de succession, de même que son patrimoine financier si Alain Delon avait finalement opté pour une résidence suisse.

On comprend ainsi pourquoi la France a pu vouloir dénoncer une convention fiscale qui lui était d’autant moins favorable qu’elle n’évitait pas réellement une double imposition puisque, à défaut d’impôt suisse, il s’agissait surtout d’échapper à l’impôt français, du moins en présence d’enfants exonérés par la Suisse.

Récemment, Bruno Le Mairele ministre de l’Économie et des Finances a été interrogé pour savoir si la France comptait reprendre les négociations pour une nouvelle convention avec la Suisse.

Il a répondu qu’il ne le souhaitait pas et qu’il ne lui semblait « ni justifié, ni légitime » que la France se prive d’imposer des biens situés en France.

Il semble juste avoir oublié qu’avec la disparition de la convention fiscale, c’est aussi le patrimoine financier situé en Suisse qui devient imposable en France, dès lors que l’héritier est en France et même si le défunt était en Suisse…

Si la convention fiscale avait perduré, la famille Delon aurait pu largement échapper aux droits de succession en France.

Aujourd’hui, il n’y a plus qu’Anouchka qui puisse y échapper en partie si son père la rejoint.

Bref, nous avons là un argument de plus pour réclamer la suppression des droits de succession : la paix des familles.

 

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"Droits de succession et de donation. Un état des lieux"

Etude droits de succession

Points clés de cette étude

  • Le patrimoine se conçoit non pas comme un bien personnel mais comme un bien familial. Taxer une transmission aux enfants ne peut donc pas être motivé par un transfert de propriété puisque le patrimoine reste dans la famille. Les droits de succession et de donation sont des impôts anti-famille.
  • En ligne indirecte, la taxation peut atteindre 60 %. Confisquer plus de la moitié d’un patrimoine lorsqu’on veut le transmettre s’apparente à de la spoliation rendant inacceptable une telle taxation.
  • L’exonération des donations créerait un mouvement de transmissions anticipées où l’État pourrait se retrouver gagnant : l’argent donné aurait vocation à être rapidement investi ou consommé par le bénéficiaire.

 

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Publié le mercredi, 10 janvier 2024

11 Commentaires

  • Lien vers le commentaire Alain vendredi, 30 août 2024 Posté par Alain

    Tous ces politiques qui font des textes de loi et défendent cette spoliation des familles au travers des droits de succession, je serais bien curieux de savoir si eux ils payent ces droits de succession lorsque cela les concerne...

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  • Lien vers le commentaire Jean samedi, 20 janvier 2024 Posté par Jean

    « Si j'héritais de 100 millions d'euros et que le fisc m'en prenne la moitié, il me resterait que 50 millions.! Et bien , je serais bien content ! »

    Si votre père s'est tué à laisser des biens à ses enfants et petits enfants et qu'à sa mort, un voleur vient prendre la moitié de votre part, je ne pense que vous seriez d'accord. Certes, vous pouvez être heureux d'avoir 50 millions, mais vous seriez quand même furieux d'avoir perdu 50 millions ! Surtout qu'on sait maintenant ce qu'en fait l'État…

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  • Lien vers le commentaire bascourt Josiane vendredi, 19 janvier 2024 Posté par bascourt Josiane

    Je ne pense pas être hors-sujet : et si les enfants d'Ari Boulogne arrivaient à prouver qu'ils sont bien les petits-enfants biologiques d'Alain Delon ? Ca changerai peut-être la donne ? Il suffit de faire un prélèvement sur la dépouille de leur père et d'imposer un prélèvement sur leur grand-père !!!!!

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  • Lien vers le commentaire Sennal jeudi, 18 janvier 2024 Posté par Sennal

    La pire des désillusions c'est de se dire que l'héritage est un droit. En France c'est devenu un devoir au sens fiscal de rendre à l'état le fruit de son travail ou de celui de ses parents ... De quoi se poser la question sur le fait de profiter et de faire profiter de tous ses biens de son vivant pour ne rien laisser derrière soi à l'état.

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  • Lien vers le commentaire Babelaere jeudi, 18 janvier 2024 Posté par Babelaere

    Fisc français champion de la spoliation et de la confiscation tous azimuts……et tout ça pour aboutir à trois billions de dette

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  • Lien vers le commentaire Durieu jeudi, 18 janvier 2024 Posté par Durieu

    Si j'héritais de 100 millions d'euros et que le fisc m'en prenne la moitié, il me resterait que 50 millions.! Et bien , je serais bien content ! Quel est en effet le mérite des héritiers ?. Il vaut mieux prendre aux plus riches qu'aux plus pauvres, je pense , non?

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  • Lien vers le commentaire I Richter jeudi, 18 janvier 2024 Posté par I Richter

    Vous êtes également redevable des droits de succession si le bien, vous et le défunt se trouvent à l'étranger du moment que vous étiez 6 ans en France parmi les derniers 10 ans. Mes frères ne payent pas de frais de succession, mais moi en France, oui. En Allemagne y a pas de frais jusqu'à 400 000 pour les enfants et 100 000 pour les petits enfants, alors qu'en France c'est maxi 100 000 Euros pour l'enfant et 1594 Euros pour un petit enfant.

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  • Lien vers le commentaire lou fabou jeudi, 18 janvier 2024 Posté par lou fabou

    Une chose est sûre, je n'ai pas ces soucis !

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  • Lien vers le commentaire Doc7401 jeudi, 18 janvier 2024 Posté par Doc7401

    Vous avez raison : les droits de succession sont une sorte de vol légal qui autorise l'Etat à briser des familles pour exercer son rôle de rapace. Mais l'Etat français est depuis longtemps un système "collectiviste" qui s'arroge le droit de fouiller partout dans la vie des gens pour "grapiller" des millions d'euro de ci de là, lesquels partent immédiatement en fumée dans une datte abyssale!

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  • Lien vers le commentaire jean-louis jeudi, 18 janvier 2024 Posté par jean-louis

    en résumé, on a payé toute notre vie (pour ceux qui ont travaillé honnêtement s'entend), mais en plus on va continuer à payer (et pas qu'un peu) quand on aura cassé notre pipe... quel beau pays quand même, ce pays des lumières...

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  • Lien vers le commentaire jamas jeudi, 11 janvier 2024 Posté par jamas

    Il y a guerre et Paix de Tolstoï ; et il y a Naissance et décès en France
    Sans rapprochement surfait, ça rappelle quand même pas mal le droit du sang et le droit du sol en matière de naissance. Si on nait en France, on acquiert de fait la nationalité française.
    Si on décède en France, le fisc français fait valoir d'office son droit à taxer toute la succession.
    Il y a là quand même une certaine forme de logique.
    Le droit du sang d'un coté et le droit de l'impôt sur l'actif en France uniquement d'autre part, me semblerait un principe plus logique.
    Après il y a la question de la taxation de l'actif basé à l'étranger. Là je présume que l'état veut éviter la fuite des capitaux.
    Mais se repose là la question des taux de prélèvement qui sont maximum en France par rapport à ailleurs, notamment la Suisse.
    Et bien sûr derrière, la question de nos dettes publiques énormissimes faites depuis 40 ans par des politiciens irresponsables de tous bords.

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