Affaire de la plateforme GMBI. L’art du gaspillage et du dégrèvement fiscal

Écrit par Olivier Bertaux

La Cour des comptes vient de révéler que la mise en place de la plateforme GMBI, censée faciliter la vie du propriétaire et aider le fisc dans sa collecte de l’impôt, avait finalement coûté 1,3 milliard d’euros à l’État, rien que sur l’année 2023.

Ce nouvel épisode des Pieds Nickelés à Bercy (voir notre article ici) a certes révélé une certaine incompétence de nos têtes dirigeantes dans la gestion des projets informatiques, mais il met aussi en lumière une nouvelle aberration de notre législation fiscale. olivier bertaux contribuables associes

En effet, l’affaire coûte 1,3 milliard d’euros à l’État parce qu’il s’agit d’argent que Bercy avait réclamé à tort aux contribuables puis reversé aux collectivités locales, avant de recevoir 1,2 million de réclamations qu’il a bien fallu accueillir favorablement.

Or, le code général des impôts prévoit que les frais de dégrèvement sont à la charge de l’État.

Autrement dit, les collectivités locales ont perçu 1,3 milliard d’euros de taxes en trop mais n’ont pas à les rembourser. C’est à l’État, qui les a collectées à tort et a dû restituer l’argent aux contribuables, de s’asseoir sur sa perte…

À y regarder de près, c’est comme si l’État, pourtant déjà exsangue, avait offert gratuitement 1,3 milliard d’euross de subventions supplémentaires aux communes.

La fiscalité est décidément un monde étrange. Dans un cadre privé, quelqu’un qui reçoit une somme qui ne lui est pas due doit la rembourser. En finances publiques, c’est différent et la collectivité peut profiter de l’aubaine.

En réalité, la loi fiscale octroie pourtant à l’État un dédommagement pour cette prise en charge. En matière de taxe d’habitation, il s’élève à deux pour cent.

Ce qui signifie que quand un contribuable doit cent euros de taxe d’habitation, il en paye en réalité cent 2 euros, les 2 euros supplémentaires finissant dans la poche de l’État pour lui permettre de financer les dégrèvements qu’il peut être amené à prononcer.

À l’époque de la taxe d’habitation sur la résidence principale, les recettes s’élevaient à environ 25 milliards d’euros et les dégrèvements divers et variés à près de 500 millions d’euros.

L’État facturait donc 2 % de frais qui partaient ensuite dans les dégrèvements, ce qui donnait une situation équilibrée.

Malheureusement, le système n’a pas été prévu pour encaisser les aléas exceptionnels. D’où la nouvelle catastrophe budgétaire.

Du fait des erreurs d’établissement de la taxe d’habitation liées aux mauvaises saisies sur GMBI, l’État a encaissé au global 3,8 milliards d’euros de taxes, avant d’en rembourser près d’1 milliard au titre de la taxe d’habitation sur les résidences secondaires, 250 millions au titre de la taxe sur les logements vacants et 60 millions au titre de la taxe d’habitation sur les logements vacants, soit 34 % de la taxe totale, alors qu’il n’a perçu que 2% au titre des frais de dégrèvement…

Rien ne paraissant prévu pour que l’État puisse exiger des communes qu’elles prennent en charge les dégrèvements, on peut en conclure que si les contribuables ont bien été remboursés, car l’État a beaucoup de défauts mais il est honnête, les collectivités locales chanceuses ont pour leur part empoché par effet d’aubaine plus d’1 milliard au total.

Le système est donc pour le moins bizarre et ce d’ailleurs pour diverses raisons. Tout d’abord, le fait de prévoir dans tous les cas 2% de frais de dégrèvement, en prévision des erreurs de recouvrement ou des demandes gracieuses, signifie tout de même que l’État fait en principe payer par anticipation aux autres contribuables le résultat de ses erreurs d’appréciation.

Concernant le bug de 2023, on peut aussi penser que si 1,2 million de foyers ont osé réclamer ou pensé à le faire, d’autres se sont sans doute abstenus, volontairement ou non.

A-t-on idée des montants en jeu perdus par les contribuables ?

Ensuite, il est probable que l’administration n’a sans doute pas eu le temps de corriger en 2024 toutes les erreurs de GMBI.

A-t-elle estimé combien ces errements allaient encore coûter à l’État cette année ?

Quatrième point, nombre de communes ont perçu en 2023 un surcroît injustifié de recettes censé ne pas se pérenniser.

Ont-elles été mises au courant afin d’adapter leurs budgets futurs en conséquence ? D’ailleurs, les collectivités locales ne sont pas les seules gagnantes de l’opération.

La taxe annuelle sur les logements vacants est en effet perçue au profit de l’Agence nationale pour l’habitat (Anah).

Jusqu’en 2022, la taxe lui rapportait, bon an mal an, 100 millions d’euros.

L’État ayant dû en rembourser 250 millions aux contribuables en 2023, on peut donc estimer que GMBI a fait exploser par erreur les recettes en 2023, même si l’élargissement de la taxe cette même année à 3 700 communes a sans doute aussi accru son rendement potentiel.

L’agence a donc peut-être intérêt à évaluer à la baisse ses recettes futures, au cas où l’État parviendrait à corriger ses erreurs…

Enfin, la Cour des comptes remarque qu’une grande partie des déclarations défaillantes proviennent de propriétaires de plus de 200 biens immobiliers pour qui le dispositif GMBI n’était pas adapté.

Or, ces multipropriétaires sont la plupart des bailleurs sociaux… c’est-à-dire les communes elles-mêmes.

Autrement dit, certaines communes se sont enrichies sur le dos de l’État parce qu’elles ont mal établi leurs propres déclarations !

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Publié le mardi, 28 janvier 2025

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