Pourquoi perdons-nous notre pouvoir d'achat ?

Écrit par Contribuables Associés
Pouvoir d'achat ©Shutterstock Pouvoir d'achat ©Shutterstock

Une étude au nom improbable mais au contenu percutant de l’Institut Economique Molinari vient de sortir : « A la recherche du pouvoir d’achat perdu », mettant en exergue à quel point les politiques publiques actuelles non seulement ne font rien pour le pouvoir d’achat mais, de surcroît, travaillent contre lui.


L’étude s’arrête sur quatre sujets essentiels : le coût du logement, les impôts sur la consommation, les impôts de production et enfin les défauts de notre système de retraite par répartition. olivier bertaux contribuables associes

Les auteurs commencent par déplorer le coût du logement devenu intolérable pour les ménages au regard de leur pouvoir d’achat.

Ainsi, le prix de l’habitation par rapport au revenu des Français a plus que doublé sur l’ensemble du territoire depuis 20 ans.

La cause essentielle serait le prix du foncier, c’est-à-dire des terrains, par rapport au bâti lui-même. En effet, la part de la valeur des terrains dans celle de l’immobilier a elle-même plus que doublé en 20 ans.

Pourtant, l’étude constate que la géographie française est essentiellement plate et ce ne sont donc pas les terrains qui manquent pour la construction.

Cette explosion du coût du foncier qui se répercute sur le pouvoir d’achat des ménages serait donc essentiellement due à la règlementation française qui encadre de manière drastique la constructibilité des terrains, créant de la rareté et donc un surcoût. Il est estimé que rendre notre droit foncier plus réactif, notamment en termes d’autorisation d’urbanisme, pourrait entraîner une baisse de 20 à 40 % du prix du logement.

En ce qui concerne les impôts sur la consommation, le travail de l’Institut Molinari avance des chiffres édifiants en montant que le surcoût fiscal pour un ménage moyen est de 600 € par rapport au reste de l’Europe. Encore plus significatif, un contribuable qui conduit et fume brûlerait en moyenne 2 660 € de taxes par an.

Si la TVA française est en ligne avec la moyenne européenne, il n’en va en fait pas de même avec les autres taxes sur la consommation dans lesquelles la France excelle : taxes « moralisatrices », c’est-à-dire sur les vices que sont le jeu, la boisson et le tabac ; taxes sur les « externalités négatives » que sont les carburants mais aussi taxes sur des opérations pourtant beaucoup plus innocentes, voire indispensables, telles que la taxe sur les contrats d’assurance ou les droits de mutation sur les cessions immobilières.

Avec 123 Mds€, leur poids est deux fois plus lourd en France qu’en Allemagne.

Ce que dénonce l’étude est avant tout cet empilement de taxes. Il est rappelé que c’est d’ailleurs toujours cette fiscalité indirecte qui est à l’origine des révoltes fiscales, comme le montre la crise des gilets jaunes, la population victime de ces taxes catégorielles ayant le sentiment d’être stigmatisée ou injustement frappée par rapport aux autres.

D’autant que l’impôt sur les produits de consommation frappe au premier chef la frange la plus modeste des contribuables.

Il existe alors un risque de remise en cause du principe fondateur de consentement à l’impôt, comme le montre à chaque fois la mise en place de circuits parallèles ou de contrebande réduisant à néant l’effet attendu des taxes sur la consommation, notamment quand il s’agit d’influer sur le comportement.

Outre l’allégement de toutes ces taxes, l’étude demande la fin de « la taxe sur la taxe », rappelant une évidence : La TVA doit, comme son nom l’indique, frapper la seule valeur ajoutée, ce que ne sont assurément pas les autres taxes de consommation sur lesquelles s’appliquent la TVA.

Quant aux impôts de production, c’est-à-dire ciblés directement sur l’entreprise, ils ne sont pas mieux traités.

Les chercheurs de l’Institut Molinari rappellent là encore une évidence qui n’est malheureusement jamais évidente pour nos gouvernants : Quand une entreprise est touchée par un impôt de production, ce sont les salariés et les consommateurs qui trinquent.

En pratique, l’entreprise doit répercuter sur le prix de vente ses charges, en ce compris les impôts de production, si elle veut maintenir sa marge et survivre. Et quand elle ne le peut pas en raison d’un marché trop concurrentiel, elle agit sur la principale variable d’ajustement qui lui reste, à savoir la rémunération de ses collaborateurs. Autrement dit, les impôts de production entraînent soit une hausse des prix à la consommation, soit une stagnation des salaires et dans les deux cas une perte de pouvoir d’achat.

Or, les impôts de production représentaient en 2021 4,5 % du PIB en France, pour seulement 2,5 % dans l’Union européenne et 1 % en Allemagne.

Il en ressort qu’un salarié français est pénalisé en moyenne de 900 € par an par rapport à ses collègues européens. Outre l’alignement des impôts de production français sur la moyenne européenne, l’étude propose une idée intéressante : partager l’impôt sur les sociétés entre l’Etat et les collectivités locales pour dynamiser les territoires et créer de l’incitation

Enfin, reste la question récurrente des retraites. Les auteurs de l’étude font le constat que le système par répartition dans le privé et du non-provisionnement dans le public est à bout de souffle, en raison d’une faible natalité persistante. En effet, le système par répartition joint à un ralentissement démographique déplace le pouvoir d’achat des actifs vers les retraités, sans en créer.

Les chiffres parlent d’eux-mêmes : les cotisations sociales représentent en moyenne 102 % des salaires nets alors que la moyenne européenne est à 52 %, la différence étant uniquement due aux efforts demandés aux salariés et aux employeurs pour maintenir un financement des retraites quasi-exclusivement par répartition, les actifs payant la retraite des retraités.

Aujourd’hui, les retraites du privé absorbent ainsi 28 % des salaires bruts, montrant à quel point le financement des retraites pèse sur le coût du travail et ainsi sur les salaires nets du privé ou les traitements du public.

L’institut Molinari recommande donc l’introduction d’une part de capitalisation dans le système des retraites afin d’alléger son coût. La retraite par capitalisation consiste à individualiser l’épargne de chaque salarié en fonction de ses cotisations, cette épargne étant également enrichie du rendement des placements financiers.

Mécaniquement, la partie de la retraite financée par ce rendement financier préalable vient diminuer le montant des cotisations de retraite. L’exemple des Pays-Bas repris par l’étude est révélateur : Avec un taux de cotisation de 25 %, contre 28 % en France, les retraités néerlandais atteignent un taux de remplacement de 89 % contre 74 % en France.

Selon les auteurs, un système mixte avec une part de capitalisation permettrait de ramener le taux de cotisation de 28 à 22 % et ainsi faire économiser 1 700 € par an pour un salarié moyen. Ils ajoutent que l’efficacité est accrue avec une capitalisation collective obligatoire qui permet de mutualiser et optimiser la performance financière des cotisations.

Ils préconisent donc un système mixte à deux tiers en répartition et un tiers en capitalisation, fondé sur trois piliers, la répartition, la capitalisation collective obligatoire et la capitalisation facultative. L’étude prend modèle sur le régime additionnel de la fonction publique créé en 2003 qui, paradoxalement, fonctionne déjà selon un modèle de capitalisation collective obligatoire, à la différence de la retraite complémentaire du privé AGIRC-ARRCO créée en 1947.

Comme quoi l’avenir est à la capitalisation. A condition, comme le rappelle l’étude, que la retraite de base par répartition soit fiabilisée en lui permettant de constituer des réserves et qu’il soit mis fin à la mise sous tutelle des retraites complémentaires privées dont la bonne gestion attire la convoitise d’un Etat impécunieux.

Source : « A la recherche du pouvoir d'achat perdu », Institut d’Etude Molinari, décembre 2022

Olivier Bertaux

Publié le lundi, 19 décembre 2022

Laissez un commentaire

Assurez-vous d'entrer toutes les informations requises, indiquées par un astérisque (*). Le code HTML n'est pas autorisé.

Votre adresse email ne sera pas affichée sur notre site Internet.