L’ISF frappe-t-il vraiment les plus riches ?

Écrit par Contribuables Associés

Liliane Bettencourt, première fortune de France, ne paye pas d’ISF. Grâce au plafonnement, les plus riches arrivent souvent à éviter l’ISF… qui frappe alors surtout ceux qui le sont moins...

 

Un récent article du Canard enchaîné nous apprend que Liliane Bettencourt, première fortune de France, ne paye pas d’ISF. L’information provient d’un tableau récapitulatif établi par Bercy détaillant la liste des personnes les plus riches dont l’ISF est plafonné, voire annulé.

En effet, le gouvernement a remplacé le fameux bouclier fiscal par un plafonnement selon lequel l’impôt sur le revenu et l’ISF d’un même contribuable ne peuvent pas représenter plus de 75 % de son revenu. Grâce à ce mécanisme, Liliane Bettencourt a évité en 2015… 61 312 871 euros d’ISF !

En pratique, il suffit donc au contribuable désireux de limiter son ISF de ne pas dégager de revenus. CQFD. Pour ce faire, le candidat au plafonnement doit s’arranger pour que ses revenus restent capitalisés au sein de montages financiers constitués à cet effet (assurance vie, holding…) et ne lui soient pas distribués.

Ainsi, il ne constate aucun revenu à déclarer et ne peut donc pas être soumis à l’ISF puisque celui-ci est plafonné à 75 % de ses revenus. Or, 0 x 75 % = 0…

Et si nécessaire, l’intéressé souscrit en même temps un emprunt qui lui garantira son train de vie. Comme on le voit, cette solution n’est pas ouverte à tout le monde et ne peut concerner que les très hauts patrimoines ayant suffisamment de disponibilités pour vivre sur des réserves sans avoir besoin de toucher aux revenus, ou de crédibilité pour avoir recours aux banques comme ils l’entendent.

Sans pour autant s’appauvrir puisque, bien entendu, leur patrimoine continue pendant ce temps de se valoriser…

A l’inverse, celui que l’on peut appeler le patrimoine moyen qui a versé dans l’ISF, que ce soit à la faveur de l’augmentation des prix de l’immobilier ou de la revente de son entreprise à l’occasion d’un départ en retraite, sera bien en peine de profiter du même mécanisme.

Lui ne bénéficiera pas du même crédit auprès des banques et devra continuer de percevoir des revenus pour vivre ou entretenir sa famille, et ne pourra donc plafonner son « petit » ISF. Au contraire, celui-ci risque même d’entamer son capital car les revenus se révèlent alors insuffisants pour payer à la fois l’impôt sur le revenu et l’ISF, quand bien même ceux-ci n’atteindraient pas 75 % du revenu. Il est en effet plus difficile de vivre avec 30 % d’un revenu moyen que 25 % d’un gros…

L’étude de Bercy révélée par Le Canard enchaîné a donc le mérite de mettre en lumière le paradoxe d’un ISF français dont le caractère insupportable est souvent inversement proportionnel à l’importance du patrimoine qui y est soumis…

Sans compter qu’inciter les gros patrimoines à ne plus percevoir de revenus pour ne pas payer d’ISF n’est pas non plus très bon pour l’économie en termes de consommation ou d’investissement. Cet impôt a décidément tous les défauts…

Olivier Bertaux, expert fiscaliste de Contribuables Associés

Publié le mardi, 21 juin 2016

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