Pascal Broulis est suisse et cela se voit. Président du Conseil d’Etat du canton de Vaud, il est l’auteur d’un drôle de petit ouvrage énumérant 150 anecdotes fiscales ayant pour objectif avoué de réconcilier l’impôt et le citoyen…
Les Suisses ont sans doute moins de raisons que nous de se plaindre de l’Etat, ce qui peut expliquer l’optimisme du livre et son entrain à vouloir nous démontrer que l’impôt est en fait attachant et qu’il n’est finalement pas si désagréable que cela de fréquenter celui qui s’appelle là-bas le taxateur…
Cela dit, la candeur qui se dégage de l’ensemble est assez léger et permet de virevolter de petites histoires en vieilles rumeurs toutes liées à l’impôt, ses bienfaits et ses méfaits.
Ainsi, nous apprenons que la dette grecque est en partie due à ses piscines : après avoir licencié le tiers de son personnel pour corruption, la brigade des fraudes grecques (sic) put par exemple recenser par satellite les piscines du pays et constater que sur 17 000 répertoriées, seules 300 étaient déclarées…
La partie consacrée à la religion et l’impôt est particulièrement intéressante. Nous y apprenons que si l’impôt ecclésiastique, bien connu en Allemagne, existe aussi en Suisse, seules les personnes privées peuvent s’y déclarer sans religion. Dès lors, toutes les entreprises suisses sont soumises à l’impôt religieux, sans trop savoir quelle foi elles peuvent bien confesser…
Les légendes ne sont pas non plus épargnées. L’auteur raconte à ce propos l’histoire d’une ville indienne abandonnée en une seule nuit par ses 80 000 habitants en 1825 au motif que ceux-ci ne voulaient plus payer les impôts prohibitifs que réclamait le tyran local issu d’une autre ethnie que la leur…
Certaines anecdotes ne sont pour leur part que des réflexions de bon sens. Ainsi, l’auteur rapporte une simple constatation du journal Le Monde qui, face à l’arrivée massive des radars automatiques, calcula que 1 000 radars bien placés délivrant une contravention d’environ 100 € en moyenne toutes les trois minutes finiraient par rapporter à l’Etat 17,5 milliards d’euros par an !
A ce tarif, on comprend pourquoi le gouvernement attache autant d’importance à notre sécurité routière…
Sur le plan historique, on apprend pêle-mêle l’existence de la taxe sur les chapeaux en vigueur en Angleterre de 1784 à 1811, la taxe sur les pianos en France à la fin du XIXème siècle ou encore l’exonération définitive de tout impôt dont bénéficiaient les athlètes de la Grèce antique vainqueurs aux Jeux olympiques…
Féru d’étymologie, Broulis revient sur l’origine du mot « tarif », issu de la forteresse de Tarifa d’où partaient les Maures pour rançonner les navires traversant le détroit de Gibraltar, ou sur celui de « barème » qui n’est que l’altération du nom de famille de François Barrême, expert à la chambre des Comptes de Paris au XVIIème siècle.
Quant à la « silhouette », seul l’auteur se souvient encore qu’il s’agit du patronyme d’Etienne de Silhouette, éphémère contrôleur général des finances de mars à novembre 1759.
Celui-ci tenta en vain de taxer toutes les classes de la population française d’un impôt appelé « vingtième ». Or, il apparut intolérable à l’époque de devoir payer un impôt équivalant à 5 % de ses revenus.
Dès lors, le terme « silhouette » fut honni et après avoir appelé pantalons « à la silhouette » les pantalons sans poche où mettre son argent, la vindicte populaire finit par appeler « à la silhouette » les portraits ne reproduisant que l’ombre du visage, censés représenter l’état dans lequel se trouvait le sujet du fait des mesures du malheureux contrôleur…
Nombre de saynètes sont également agrémentées de citations ou de proverbes parfois inattendus. L’empereur Tibère, plus connu pour sa cruauté ou sa présence sur les monnaies du Christ, est cité pour cette répartie heureuse : « Le devoir d’un bon berger consiste à tondre son troupeau, non à l’écorcher ».
L’adage bien connu et pourtant oublié ces temps-ci, selon lequel « deux choses mènent aux révolutions, le prix du pain et les impôts », est également rappelé. Et comme disait Jean Yanne, « l’idéal se serait de pouvoir déduire ses impôts de ses impôts »…
Bien entendu, l’auteur cherche à vendre son ouvrage et ne lésine donc pas sur les références croustillantes consacrées au sexe et à l’alcool. Pour ne pas faire rougir de chastes oreilles, contentons-nous donc de l’alcool dont nul ne saurait méconnaître les bienfaits.
Dans cette optique, Pascal Broulis évoque l’économiste Joseph Garnier qui, dans son « Traité des finances » de 1872, s’insurgeait contre l’impôt sur le vin qui, disait-il, dissuadait les gens de consommer cette boisson pourtant très saine.
Nous apprenons aussi que l’impôt se met parfois au service de la boisson. Comme par exemple lorsque l’Ecosse instaura en 1786 une taxe proportionnelle au volume des chaudières, incitant les distillateurs de whisky à améliorer leur rendement à partir de chaudières plus basses fournissant un breuvage de meilleure qualité…
Ainsi que nous l’avons dit au début, l’auteur ne cache pas son amour de l’impôt. Sans doute inconscient des affres endurées par les contribuables d’autres pays, l’Helvète n’est pas fâché avec la taxe comme on peut l’être ailleurs.
Après avoir vanté les mérites des droits de succession, Pascal Broulis relate donc diverses anecdotes de son canton de Vaud où, paraît-il, les vignerons ont demandé à payer plus de taxes, au motif que celles-ci permettraient à l’office des vins de promouvoir les crus locaux.
De même, les entreprises du canton se battent, selon l’auteur, pour entrer dans le « club des 100 » institué par le gouvernement vaudois pour réunir ses plus gros contribuables. D’ailleurs, le même gouvernement lança en 1860 un « concours d’impôt » afin que le système fiscal cantonal « embrasse toute matière imposable, sans pour autant nuire au crédit, à la circulation des valeurs, au travail et au développement de la richesse ».
Autrement dit, l’impôt idéal, dans un canton idéal pour un monde idéal. L’utopie helvétique en quelque sorte…
Olivier Bertaux
Pascal Broulis, « L’Impôt heureux, en 150 anecdotes », éditions Favre, 12 euros.
Avec Contribuables Associés, luttez pour la réduction des dépenses publiques, car trop de dépenses publiques c'est trop d'impôts, et contre les gaspillages scandaleux d'argent public !