En dehors de toute loi de finances, une autre loi fiscale vient d’être discrètement votée qui fera sans doute mal au portefeuille de certains. Il s’agit de la loi relative à la lutte contre la fraude fiscale, publiée le 23 octobre dernier.
Si la fiscalité fondée sur la lutte contre la pollution a du plomb dans l’aile, gilets jaunes obligent, l’argent arrivera peut-être à entrer dans les caisses de l’Etat grâce à la fraude… ou du moins la lutte contre la fraude.
Le nouvel arsenal offert à l’administration est impressionnant : élargissement de la « flagrance fiscale », nouvelle amende pour les conseils participant à des montages frauduleux, renforcement des contrôles inopinés, publication des sanctions fiscales (supplice du pilori pour les entreprises…), surveillance accrue des plateformes de transactions en ligne et, bien sûr, pérennisation du dispositif d’indemnisation des lanceurs d’alerte contre la fraude fiscale, institutionnalisant ainsi la délation organisée…
Le contrôle des opérations avec l’étranger est lui aussi accru. Tout d’abord, la qualification de « régime fiscal privilégié » attribuée à un Etat étranger, qui permet notamment de supposer qu’un contribuable y a placé son argent dans un but d’évasion fiscale, peut désormais s’appliquer à un pays dont l’impôt est inférieur de 40 % à l’impôt français et non plus 50 %.
Quand on voit comment augmente l’impôt en France, le « régime fiscal privilégié » risque bientôt de concerner la planète entière et donc tout contribuable qui aura la mauvaise idée de faire franchir une frontière à son argent.
Quant à l’obligation de déclarer les comptes à l’étranger, elle s’applique dorénavant même s’ils sont totalement inactifs avec un délai de reprise pouvant atteindre 10 ans. La note s’annonce salée pour celui qui oublie, même de bonne foi, un compte hors de France.
Sur le plan pénal, le « verrou de Bercy » saute, ce qui oblige désormais l’administration à transmettre au parquet tous les cas de fraude entraînant un redressement supérieur à 100 000 euros.
Mais en même temps, comme dirait l’autre, on étend à la fraude fiscale à la fois la procédure du « plaider coupable » et la convention judiciaire d’intérêt public, sorte de transaction pénale dans le domaine économique.
Autrement dit, au risque d’embouteiller un peu plus les tribunaux, on met la pression sur les contribuables en les menaçant de poursuites judiciaires pénales pour ensuite les inciter à chercher l’accord et permettre ainsi de faire entrer pénalités et redressements plus rapidement et plus sûrement dans les caisses de l’Etat.
Même si la lutte contre la fraude fiscale est bien entendu nécessaire, l’aggravation tous azimuts des moyens mis à la disposition du contrôleur et du juge dans cette lutte semble, par certains aspects, disproportionnée et fait courir le risque d’un phénomène d’inquisition fiscale peut-être rentable financièrement mais qui ne facilitera pas la réconciliation du contribuable avec l’impôt.