A force de taxer les riches, Bercy commence à constater leur disparition. Le contribuable millionnaire est-il en train de devenir une espèce en voie d’extinction ?
Bercy cherche ses riches. En publiant ses dernières statistiques sur l’impôt 2014, le ministère des Finances s’aperçoit que les riches contribuables sont de moins en moins nombreux. Par rapport à 2013, le nombre de foyers déclarant plus de 200 000 euros de revenus a diminué de 8 %.
Et si on se limite aux contribuables gagnant plus de 1 000 000 euros par an, leur nombre a chuté de plus de 30 % ! Ainsi, la France ne comptait plus que 93 foyers gagnant plus de 9 000 000 euros par an, contre 143 l’année précédente.
Comme par hasard, les dates correspondent avec l’arrivée des mesures fiscales anti-riches : contribution exceptionnelle de 3 ou 4 %, tranche à 45 % de l’impôt sur le revenu, suppression du bouclier fiscal, plafonnement des niches fiscales, durcissement des prélèvements sociaux et alignement fiscal des revenus du capital sur ceux du travail (avec notamment la disparition du prélèvement libératoire sur les intérêts et l’intégration de l’impôt sur la plus-value dans le barème progressif).
Le riche contribuable de France est donc comme le rhinocéros blanc d’Afrique : à force d’être chassé, il est en voie d’extinction. Toutefois, le rhinocéros disparaît parce que ses représentants meurent faute de pouvoir se dissimuler derrière un baobab, alors que le contribuable français disparaît non parce qu’il meurt (les agents du fisc ne sont pas des assassins et il est rare de se suicider parce qu’on gagne trop d’argent…) mais parce que, à la différence du pachyderme, il se cache. Physiquement ou économiquement.
Le contribuable en est venu à ne plus vouloir dégager de revenus
Constatant que s’il gagne trop d’argent, 75 % partiront à l’Etat (voire 100 % en y ajoutant l’ISF et autres joyeusetés), le contribuable en est en effet venu à ne plus vouloir en gagner, ou plus exactement à ne plus vouloir dégager de revenus.
Comment ? Tout simplement en ne vendant pas son entreprise pour ne pas constater de plus-value, en vendant des titres en moins-value pour compenser une malencontreuse plus-value, en choisissant des produits de capitalisation plutôt que de distribution pour ne pas encaisser de revenus, en ne prenant plus de risque pour limiter le gain potentiel, voire en créant du déficit.
On le voit donc, le jeu de cache-cache économique induit par le trop-plein fiscal est contre-productif pour le pays : les capitaux stagnent, l’investissement s’arrête et les choix de placement obéissent à des critères courts-termistes de moins-disant fiscal.
Quant au cache-cache physique, il est encore plus dramatique car il revient à l’exil fiscal. Si la chasse aux sorcières actuelle a permis de stopper l’évasion fiscale des capitaux, elle n’a fait qu’encourager l’évasion fiscale des contribuables eux-mêmes.
En effet, si la France est un enfer fiscal, ce n’est pas encore une prison. Les capitaux ne peuvent donc s’évader seuls mais peuvent en revanche accompagner leur propriétaire lorsque celui-ci se fait la belle.
Et si Bercy minimise le phénomène en déclarant que sur 9 672 disparitions de foyers aux revenus supérieurs à 300 000 euros, seules 659 sont dues à des départs à l’étranger, elle semble oublier une donnée essentielle : le contribuable français est moins bête que le rhinocéros d’Afrique et commence à partir à l’étranger avant que son investissement ou son travail ne lui rapporte de l’argent.
Autrement dit, s’ajoutent aux 659 contribuables, les centaines qui ne gagnent pas encore 300 000 euros mais les gagneront après une installation à l’étranger…
Olivier Bertaux, conseiller fiscaliste de Contribuables Associés