Pouvoir d'achat des Français, épargne, impôts, dette publique et diminution des dépenses de l'État, au menu de cet entretien.
→ Philippe Herlin, quelle est votre analyse de la situation quelques mois après le début de la crise sanitaire, et en amont de la crise économique qui vient ?
Le plus important à comprendre selon moi est que le coronavirus n’a joué qu’un rôle de déclencheur. Nous sommes dans une crise de la dette, principalement publique mais aussi privée, qui ne cesse d’augmenter, notamment à un rythme plus élevé que la croissance du PIB, ce qui n’est pas viable à long terme.
"Nous risquons d’en prendre pour dix ans, comme lors de la crise de 1929..."
2008 était déjà une crise de l’endettement (les subprimes), et on y a répondu par encore plus de dette ! La dette publique au Japon, aux États-Unis, en Italie, en France, au Royaume-Uni et dans nombre de pays émergents bat record sur record, et s’il n’y avait pas eu ce virus, un autre événement aurait provoqué la crise.
Les taux d’intérêt très faibles ou même négatifs, nécessaires pour éviter l’étranglement des États, montraient que l’on marchait sur la tête.
La réponse consiste donc à sortir de cette logique d’endettement, malheureusement nous n’en prenons pas le chemin, les gouvernements et les banques centrales rivalisent d’annonces de plans de relance, qui n’auront d’autres effets que de prolonger la maladie dont nos économies souffrent.
Nous risquons d’en prendre pour dix ans, comme lors de la crise de 1929...
→ Face à l’emballement de la dette publique, certains prônent l’abandon de son remboursement. Qu’en pensez-vous ?
Une grande partie de la dette se retrouve dans l’assurance-vie et les livrets bancaires, veut-on ruiner les Français ?
Et pour la dette détenue par des investisseurs étrangers, en grande partie européens, veut-on déclencher des mesures de représailles ?
Alors certes, 20% de la dette publique de la France est détenue par la Banque de France (via le programme de rachat de dette souveraine par la Banque centrale européenne, les «QE»), et si on l’effaçait d’un trait de plume recommandent certains ?
Sur le papier c’est toujours possible, mais une telle manœuvre encouragerait les États à émettre toujours plus de dette jusqu’à faire douter de la valeur de la monnaie, et de basculer dans l’hyperinflation. C’est la route vers le Venezuela.
→ Quelles vont être les conséquences de cette crise sur le pouvoir d’achat des Français ?
Les dernières prévisions de Bercy envisagent une récession de 11% du PIB en 2020. Le PIB c’est la somme des valeurs ajoutées des entreprises, ce qui signifie que les revenus au sens large vont diminuer d’autant, cela se traduira par des faillites d’entreprises, une explosion du chômage et des baisses de salaires (arrêt des primes, temps partiel imposé, etc.).
Le pouvoir d’achat des Français va donc souffrir, d’autant que l’inflation risque d’augmenter avec la planche à billets de la Banque centrale européenne.
"Si un prêt bancaire sur cinq n’est pas remboursé, les banques européennes sautent."
→ Quelles menaces cette crise fait-elle peser sur notre patrimoine, nos assurances-vie, etc. ? Peut-on craindre une attaque de l’État ou de l’Union européenne sur notre épargne ? Les banques peuvent-elles sauter ?
Relancer la dette va fragiliser le système financier tout entier, tandis que la récession va faire exploser le nombre de défauts sur les prêts, entreprises et particuliers, ce qui va détériorer la solvabilité des banques. Une étude récente du CEPII (Centre d’études prospectives et d’informations internationales) indique que si un prêt bancaire sur cinq n’est pas remboursé, les banques européennes sautent, un scénario qui n’a rien d’improbable.
Voilà ce qui nous pend au nez : une crise bancaire.
À ce moment-là, les épargnants auraient du souci à se faire car la directive BRRD se déclencherait et elle autorise une banque au bord de la faillite à ponctionner les comptes de ses clients, comme cela s’est vu à Chypre en 2013. [Directive européenne BRRD ou DRRB en français, pour « directive sur le redressement et la résolution des banques », transposée le 20 août 2015 dans la législation française, NDLR. Voir notre article "Le gouvernement a fait passer en douce une directive européenne qui légalise la spoliation de votre épargne"]
→ Que faire aujourd’hui face à ce danger, le contribuable-épargnant peut-il se protéger ?
Depuis toujours je défends deux actifs, l’or et le bitcoin, car ils sont en dehors du système bancaire et en dehors du système monétaire (l’euro), ils résistent donc à tout.
L’or physique uniquement je précise (napoléons ou lingots, que l’on détient en propre) et du bitcoin à condition de faire l’effort de comprendre comment il fonctionne. Je considère qu’il faut en avoir dans son patrimoine.
Ensuite, on peut détenir de l’immobilier, c’est aussi une valeur refuge, mais chaque logement constitue un cas particulier, il faut choisir avec soin. De toute façon, avec la directive BRRD (ponction des comptes bancaires) et la loi Sapin 2 (blocage de l’assurance-vie), il ne faut pas laisser des fortunes à la banque.
"Pour vraiment relancer l’économie, il faut baisser les impôts pesant sur les entreprises et les particuliers et diminuer le poids de la bureaucratie."
→ « C’est parce que nos finances publiques étaient saines qu’en temps de guerre nous pouvons dépenser, et si j’ose dire dépenser quasiment sans compter », déclarait Gérald Darmanin, le ministre des Comptes publics, le 18 mars dernier (BFMTV). L’argent public peut-il guérir le malade France ? Et selon vous, que faudrait-il entreprendre pour sortir la France de la crise ?
Cette affirmation est aussi grotesque que celle concernant les masques au début de la pandémie («ils ne servent à rien»), quel culot ce Darmanin !
La France est arrivée très affaiblie dans cette crise, avec le déficit budgétaire le plus important de la zone euro, et notre gouvernement ne propose que de nouvelles dépenses, des plans de relance. C’est persévérer dans l’erreur.
Je considère au contraire, pour vraiment relancer l’économie, qu’il faut baisser les impôts et les taxes pesant sur les entreprises et les particuliers, et diminuer le poids de la bureaucratie, la preuve, c’est déjà ce qui nous handicapait avant !
C’est malheureusement le contraire qui est en train de se produire, la crise sert de prétexte pour étendre encore plus l’intervention de l’État, secondé par une banque centrale qui peut imprimer de l’argent sans limite, voilà qui peut donner un sentiment de sécurité, mais qui se paiera douloureusement un jour ou l’autre, notamment, je le pense, par une vague d’inflation qui accentuera encore la récession et la perte de pouvoir d’achat.
"Je préconise de supprimer purement et simplement les Agences régionales de santé, qui ont démontré leur inutilité, pire, dont la bureaucratie a grippé le système hospitalier."
→ Quelles sont les dépenses publiques à réduire en priorité ?
La première et la plus évidente, tout ce qui touche à l’environnement. Il faut stopper immédiatement l’installation d’éoliennes terrestres et offshores, qui coûtent des milliards d’euros.
Les normes écologiques doivent aussi être abaissées et les subventions pour la voiture électrique arrêtées.
Je ne crois pas à la théorie du réchauffement climatique anthropique (lisez "L’urgence climatique est un leurre" de François Gervais), qui d’ailleurs n’est pas prouvé scientifiquement mais seulement par des modèles du GIEC qui se trompent depuis des années, et par un soi-disant consensus, alimenté par l’argent public tandis que les climato-sceptiques sont mis sur la touche.
Ce délire millénariste doit cesser, il économiquement aberrant et intellectuellement malsain.
Ensuite, tous les budgets publics doivent être étudiés de près, je ne vais pas en faire la liste, mais dans la santé, je préconise de supprimer purement et simplement les Agences régionales de santé, qui ont démontré leur inutilité, pire, dont la bureaucratie a grippé le système hospitalier.
→ Pierre Moscovici vient d'être nommé à la tête de la Cour des comptes. Est-ce une bonne nouvelle pour les contribuables ?
Non, au contraire. Moscovici a été un mauvais ministre de l’Économie sous Hollande, et normalement le président de la République nomme un membre de l’opposition, en l’occurrence LR, de façon à garantir le sérieux et la sincérité des comptes publics. Il va donc être son obligé, ce qui va rabaisser la Cour des comptes et sa mission essentielle de contrôle. Cette décision est en ligne avec l’explosion des déficits publics qui nous attend.
Propos recueillis par Jean-Baptiste Leon
- Philippe Herlin est l'auteur de l'étude #35 de Contribuables Associés "50 milliards d'euros d'économies sur le budget 2018, c'est possible !"
- Il vient de publier un essai philosophique, "La Renaissance de l’Occident" (Bookelis). Toutes les informations sur son site philippeherlin.com.