Faut-il taxer les primes versées aux médaillés olympiques ?

Écrit par Olivier Bertaux
Faut-il taxer les primes versées aux médaillés olympiques ? @InFocus.ee / Shutterstock

La polémique du mois consiste en France à décider s’il faut ou non taxer les primes versées aux médaillés olympiques, à savoir 80 000 euros par médaille d’or, 40 000 euros pour l’argent et 20 000 euros pour le bronze.olivier-bertaux-contribuables-associes.jpg

Tout le monde y va de son avis mais sait-on de quoi on parle ? La seule remarque de bon sens vient pour une fois de Bruno Le Maire qui a tout de même tenu à remarquer que l’on était plus dans le symbole que dans la dépense ou la recette.

Celle attendue des 64 médailles taxées (soit entre 8 et 9 millions d’euros de primes distribuées en tenant compte des sports collectifs) ne pourrait en effet jamais dépasser un ou deux millions d’euros, même pas une goutte d’eau dans la Seine mal dépolluée à 1,4 milliard d’euros.

Mais que dire de ce symbole ? Tout d’abord, il démontre la fascination du pays pour le sport et le traitement particulier qu’il réserve à ses sportifs.

Quand un entrepreneur gagne 80 000 euros, il ne viendrait à l’idée de personne de défendre son exonération. Alors pourquoi le sportif ?

Parce qu’il participe au rayonnement de la France ? Mais n’importe quel créateur, homme de bien, fonctionnaire dévoué, salarié consciencieux façonne lui aussi l’image de la France à travers le monde sans être pour autant récompensé d’une exonération fiscale. Le rayonnement olympique n’est donc pas une bonne raison.

Parce qu’il s’est entraîné dur pendant 4 ans pour obtenir sa médaille ? Mais le créateur d’entreprise qui travaille d’arrache-pied pendant 40 ans avant de prendre sa retraite laissera au moins 30 % de taxes au moment de partir en retraite et s’il fait faillite l’Etat ne viendra pas le consoler.

L’entraînement du sportif n’est donc pas une raison non plus de l’exonérer s’il est récompensé. D’autant que nombre de sportifs sont déjà aidés par l’Etat et donc la collectivité.

Entre les militaires qui bénéficient d’un emploi du temps aménagé, les bourses attribuées aux étudiants sportifs et les avantages (dont des trimestres gratuits pour la retraite…) qui accompagnent le statut officiel de sportif de haut niveau, l’athlète français est loin d’être abandonné.

Il n’est pas question de remettre en cause ces dispositifs ni de contester le mérite des athlètes français, mais si la France les a aidés, la simple taxation de la médaille peut être vue comme une juste contrepartie.

Quand l’Etat prête de l’argent à une entreprise, il lui demande de rembourser et ensuite de payer des impôts si elle réalise des bénéfices. Ce qui est normal pour l’entreprise peut l’être aussi pour le sportif.

On entend dire aussi que certaines disciplines ne permettent pas de s’enrichir et qu’il est alors juste de ne pas taxer la récompense de l’athlète que le sport n’enrichira jamais. Mais l’athlète qui se verra remettre 80 000 euros de prime constituant son seul revenu ne sera que faiblement imposé, à la différence du travailleur lambda auteur d’une performance exceptionnelle.

Le contribuable sportif bénéficie déjà d’un régime fiscal de faveur

D’une part, il existe un dispositif de lissage permettant de demander à être imposé sur la base d’un revenu égal à la moyenne de trois au cinq années et les primes liées aux performances olympiques peuvent de surcroît être étalées sur 4 ans.

Ainsi, l’athlète qui reçoit la prime de 80 000 euros en 2024 sans avoir perçu de revenus sportifs les quatre années précédentes déclarera 80 000 / 5 / 4 = 4 000 euros et ne risque donc pas d’être imposable cette année ni même les années suivantes.

Autrement dit, la prime est déjà non imposable pour les sportifs aux bas revenus. Quant aux sportifs aux hauts revenus, est-il anormal qu’ils payent un peu d’impôt sur leur prime ? Certains sont d’ailleurs non-résidents et ne paieront donc pas leur impôt en France.

Pour cela, le gouvernement a d’ailleurs prévu de réduire leur prime de 15 %, ce qui constitue en fin de compte un impôt assez léger…

En réalité, la discussion autour de la taxation des médailles révèle tout simplement le vrai sujet de controverse : la surtaxation générale des revenus en France. Elle conduit à la prise de conscience qu’il ne fait pas bon gagner trop d’argent en France.

Le fait de s’en rendre compte au moment de récompenser la performance d’un sportif et non du travailleur en dit long sur l’état d’esprit du pays.

Quand Bruno Le Maire explique un tantinet démagogue que « lorsqu’on a des résultats aussi exceptionnels, qui sont la récompense d’années de travail et qui sont la fierté française, il ne faut pas que ces primes soient fiscalisées », on se met à rêver à une nouvelle doctrine de Bercy qui défiscaliserait quiconque serait récompensé pour son génie, ses efforts et son travail reconnus comme exceptionnels, sportif ou non…

Enfin, les personnes qui demandent l’exonération des 80 000 euros de primes que l’Etat et donc le contribuable versera à un athlète en or, trouveront-elles normal que le même athlète doive payer près de 50 000 euros d’impôt en droits de donation si sa vieille tante décide de donner la même chose à son neveu dont elle a toutes les raisons d’être fière ?

Et pourtant, ce sera son seul argent à elle qu’elle aura donné.

N'oublions pas que ce sont les bonnes causes qui font les bons combats.

Publié le lundi, 19 août 2024

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