Or, si les demandes d’optimisation ne manquent pas cette année comme si elles devaient être les dernières, les sollicitations sur l’état de la discussion budgétaire ont pour leur part disparu.
Peut-être parce que c’est la discussion elle-même qui a en réalité disparu, remplacée par une cacophonie assourdissante, sur fond de concours de bonnes idées auquel participent des parlementaires en mal d’idéologie pour certains et de retombées électorales pour d’autres. Les amendements et autres propositions n’ayant de toute manière aucune chance d’aboutir, certains se sont en effet lancés dans une course effrénée aux idées géniales et généreuses.
Les débats budgétaires ont donc perdu toute crédibilité et au lieu de se tenir au courant de leur évolution, les contribuables concernés se contentent d’attendre. Sans aucune illusion mais non sans appréhension.
Arrivé le 10 octobre sur le bureau de l’Assemblée, le projet de loi de finances a d’ailleurs donné lieu pendant un mois à une bataille sans précédent d’amendements contradictoires pour finir par un texte rejeté le 12 novembre dernier. C’est donc un texte désavoué qui est arrivé devant le Sénat et qui repartira devant l’Assemblée nationale qui doit avoir le dernier mot. Encore faut-il qu’elle arrive à se prononcer.
Or, sans majorité crédible, le gouvernement censé défendre son texte risque de recevoir une nouvelle fin de non-recevoir. Diverses éventualités sont alors envisageables mais aucune n’est glorieuse.
Si le gouvernement arrive à un compromis, ce sera au prix de tant de contorsions, abandons et contradictions que le texte ne ressemblera à rien et ne sera certainement pas au service d’un pays au bord de la faillite. En tout état de cause, il ne répondra pas aux attentes des Français.
Si aucun compromis n’est trouvé, le gouvernement tentera alors, comme sous la législature précédente, de passer en force en imposant en bloc son texte aux députés sur le fondement du fameux article 49-3 de la Constitution.
Si le texte passe ainsi, ce sera un déni de démocratie.
Si les députés répliquent en votant une motion de censure, le texte est rejeté, le gouvernement tombe et la France se retrouve sans budget.
Et c’est ici qu’on s’aperçoit que la France aux multiples régimes et constitutions depuis deux siècles n’a finalement rien prévu si le Parlement n’arrive pas à voter un budget.
Sous la IVe République, on repartait tous les mois avec 1/12e du budget de l’année passée. Sous la Ve, on s’interroge. Rien n’est en fait prévu. Il existe bien une procédure consistant à demander au Parlement de voter une loi spéciale autorisant le gouvernement à continuer de percevoir les impôts sur la base de ceux votés l’année passée tout en ouvrant les crédits par décret.
Mais il ne s’agit là que d’une solution provisoire qui ne saurait durer.
Que l’on arrive à un budget voté par lassitude, par crainte ou par habitude ou au contraire à une absence de budget voté, le résultat sera donc le même : on sera passé d’un débat inaudible à une absence de débat.
D’où l’attitude actuelle des contribuables. S’ils n’étaient déjà plus très certains de consentir à l’impôt comme l’exige pourtant la Constitution, ils sont maintenant persuadés de n’avoir consenti à rien. Si l'impôt n’est pas débattu par ses représentants, le contribuable ne peut donner son avis sur l’impôt qu’on va lui réclamer et s’il ne peut pas donner son avis, il ne peut pas y consentir.
Une loi de finances qui ne peut être discutée est inquiétante. C’est le signe que nos institutions ne sont plus à même d’affronter les difficultés budgétaires du pays.
Et si le contribuable se désintéresse de cette loi de finances, c’est peut-être le signe qu’il perd espoir mais aussi qu’il est lucide.
Puissent nos gouvernants l’être aussi.
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