ISF heureusement supprimé
L’acmé de la réforme est bien entendu la suppression de l’ISF. Sur ce point, il n’y a qu’à applaudir car la mesure est simple, claire et sans ambiguïté. De plus, le candidat accompagne la sortie de l’ISF d’une réduction d’impôt sur le revenu de 30 % en cas d’investissement dans les PME afin de compenser la manne que constituait pour ces entreprises la défiscalisation ISF.
Certes, il existe déjà une réduction d’impôt sur le revenu pour ce type d’investissement mais de 18 % et plafonnée à 100 000 euros alors que François Fillon la porte à 1 million d’euros.
Certains assujettis à l’ISF n’ont pas forcément de gros revenus et se contenteront de sa suppression mais le plafond de réduction d’impôt sur le revenu proposé permettra en tout cas de ne pas diminuer le flux de la défiscalisation en faveur des PME en attirant les très gros revenus.
Assurance-vie heureusement oubliée ?
L’autre point vedette du programme Fillon en matière de fiscalité du patrimoine concerne l’idée d’une taxation forfaitaire de 30 %, prélèvements sociaux compris, des produits de placement. Signalons tout d’abord que l’assurance vie, qui figurait initialement au programme a finalement été retirée devant la bronca des épargnants. Effectivement, celle-ci bénéficiant d’une fiscalité privilégiée à 23 %, les assurés n’avaient nulle envie de la voir augmenter de 7 points.
Ayant déjà suffisamment de sujets de mécontentement à affronter, le candidat a donc sagement décidé d’exclure l’assurance vie du dispositif pour lui laisser son régime de faveur. Pour le reste, l’idée est intéressante et jouit là encore d’un a priori positif en termes de simplicité et de clarté.
Cela dit, 30 % font quand même presque un tiers et le programme ne dit rien concernant la foule des petits épargnants peu ou pas imposables qui n’ont aucune envie de subir une taxation de 30 %.
Espérons donc que la proposition du candidat s’enrichira prochainement d’une précision selon laquelle le taux de 30 % reste optionnel, afin que les revenus modestes puissent continuer de soumettre leurs revenus au barème progressif lorsqu’il est plus intéressant.
A part ces deux points et la promesse attendue d’abandonnerla retenue à la source en cas d’accession au pouvoir, force est de constater la pauvreté des idées en matière de fiscalité de l’épargne et même des ménages en général.
Mesures en demi-teinte pour les droits de succession
Les droits de succession ou de donation sont à ce sujet presque oubliés. Tout juste Fillon prévoit-il de ramener le délai de rappel fiscal permettant de renouveler une donation de 15 à 10 ans (alors qu’il l’avait ramené à 6 ans étant Premier ministre…).
En ce qui concerne les entreprises, il est certes prévu de reporter le paiement des droits de succession jusqu’à la cession définitive en cas de transmission familiale, mais on comprend mal comment cela s’articulera avec le « pacte Dutreil » qui offre déjà une exonération des trois quarts en cas d’engagement de conservation au sein de la famille.
Il serait sans doute plus simple d’amender le pacte Dutreil qui a fait ses preuves, par exemple en portant le taux d’exonération de 75 à 100 %, quitte à allonger un peu le délai de détention au sein de la famille. Pour les particuliers, on aurait pu espérer une mesure contre les taux prohibitifs de 60 % de droits en dehors du cercle familial ou de 45 % pour les plus hauts patrimoines en ligne directe.
De même, l’abattement de 100 000 euros en ligne directe est notoirement insuffisant pour permettre une transmission dans de bonnes conditions d’un patrimoine raisonnable. Pourquoi ne pas proposer, comme Dupont-Aignan, la suppression de tout droit de succession pour les patrimoines inférieurs à 1 millions d’euros ?
Peut mieux faire sur les plus-values
En ce qui concerne les plus-values, on peut penser que les plus-values mobilières sont intégrées dans les produits de placement et verront donc leur taxation plafonnée par Fillon à 30 % comme indiqué au début. Encore faudrait-il le confirmer. D’autant que le projet ne dit rien sur une éventuelle limitation dans le temps de l’impôt sur la plus-value. Or, plus la durée de détention s’allonge et moins il s’agit d’une opération spéculative pour l’épargnant.
En ajoutant à cela l’érosion monétaire, il faut bien avouer que taxer la plus-value de titres détenus depuis longtemps revient à imposer le titre lui-même et non un quelconque profit. Il existe déjà à ce propos un délai d’exonération des plus-values immobilières que le candidat propose de ramener de 30 à 22 ans (même si la promesse est un peu fallacieuse car le délai de 22 ans s’appliquant déjà à l’impôt sur le revenu, la mesure ne concernera que les seuls prélèvements sociaux exonérés pour l’instant au bout de 30 ans…).
La fiscalité immobilière et les impôts locaux, les grands absents du programme
Mis à part ce petit cadeau sur la plus-value, la fiscalité de l’immobilier est d’ailleurs totalement occultée. Que ce soit pour les revenus fonciers ou la taxation de la propriété à la taxe foncière par exemple, rien n’est prévu, si ce n’est une mesure un peu démagogique consistant à offrir une réduction d’impôt proportionnelle à la baisse de loyers que pourrait accorder un propriétaire.
C’est un peu regrettable car la fiscalité de l’immobilier est actuellement très lourde, tant pour les revenus que pour la détention, et aurait bien besoin d’un sérieux rafraichissement.
Notons justement pour conclure que les impôts locaux sont eux-mêmes les grands oubliés du programme. Or, on voit mal comment le prochain gouvernement pourra s’affranchir de la remise à plat complète d’une fiscalité locale devenue totalement folle.
Olivier Bertaux, expert fiscaliste de Contribuables Associés