Un sujet de 32 milliards d’euros sortis entièrement de la poche des contribuables mérite que l’on s’y arrête un peu pour regarder de plus près. Surtout lorsque le Président de la République a prononcé un discours sur ce sujet pour, d’une part, analyser ce qui ne fonctionne pas et, d’autre part, proposer une réforme législative.
« Que dire de notre système de formation professionnelle ? », se lamente le Président lors de son discours du 4 mars 2013 à Blois. Son avis est direct : « notre dispositif apparaît complexe, il l’est, parce que même pour les professionnels ce n’est pas facile de s’y retrouver. Il est cloisonné, chacun restant dans ses compétences et parfois faisant doublon. Et puis il est inégalitaire. » François Hollande annonce alors sa grande réforme de la formation professionnelle. C’est devenu sa nouvelle priorité et lors de ce discours blésois, il décrit toutes les mesures qu’il veut mettre en œuvre dès cette année.
Création d’un système de certification pour la formation professionnelle
Mais d’abord il veut mettre « un peu d’ordre dans tous les organismes de formations : il y en a d’excellents, il y en a de bons et il y en a de moins bons : 55.000 aujourd’hui », questionnant son auditoire : « est-ce que c’est raisonnable d’avoir 55.000 organismes de formation ? » Le président va faire le ménage et annonce qu’« il y a aura donc un véritable système de certification, comme on en demande pour des entreprises, de validation, d’évaluation, pour que l’efficacité soit au rendez-vous. » En d’autre terme, l’Etat donnera un agrément de manière plus parcimonieuse qu’aujourd’hui pour reprendre en main le secteur.
Une reprise en main de l’existant qui s’accompagne de quatre mesures restructurant la formation professionnelle et d’un projet de loi qui couronnera le tout d’ici la fin 2013.
Quatre mesures déjà prises et toutes financées par les contribuables
François Hollande détermine qui bénéficiera de cette réforme de la formation professionnelle. Elle sera dirigée « prioritairement vers les jeunes, notamment vers les jeunes peu ou pas qualifiés, vers les travailleurs précaires, souvent des femmes, vers les salariés de plus de 50 ans, […] vers les demandeurs d’emplois. » Puis François Hollande rappelle que, depuis son élection, quatre mesures ont été prises pour préparer le terrain de la grande loi sur la formation professionnelle.
Première mesure : mise en place d’actions de formations vers les jeunes et les demandeurs d’emploi, ce qui correspond à l’objectif fixé par François Hollande puisqu’il veut orienter la formation professionnelle vers ces deux catégories. Il précise que cela représente un coût de 500 millions d’euros. Apparemment les 32 milliards d’euros de la formation professionnelle ne suffisaient pas, il en fallait 500 millions de plus pour financer la décision de François Hollande ; cela fait cher la décision.
Deuxième mesure : le renflouement de l’association nationale pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) pour un coût de 110 millions d’euros. Cette association-là est la plus subventionnée par l’Etat français, la plus subventionnée de France, puisque qu’elle reçoit plus de 66 millions d’euros. François Hollande a souligné dans son discours que l’AFPA « doit être pleinement utilisé et notamment pour ces formations de la deuxième chance. » Nous verrons.
Troisième mesure : la création de centres de formation. Ce n’est pas nouveau certes, mais ceux-là sont ceux décidés par François Hollande qui justifie : « c’est parce que nous avons confiance dans la formation, que nous pensons que c’est un instrument de croissance, que les programmes d’investissements d’avenir issus du grand emprunt ont été pour partie affectés à la création de centres de formation. » Et il précise le coût : « d’ores et déjà, il y a déjà 56 dossiers qui ont été soutenus pour un montant de 240 millions d’euros. Il y aura 12.000 places nouvelles d’apprentissage qui seront ouvertes et également des places d’hébergement : 4.000. »
Rien qu’avec ces trois mesures, les contribuables doivent déjà payer plus de 850 millions d’euros. Mais la plus chère est à venir.
Quatrième mesure : le compte personnel de formation (CPF), « une innovation très importante si elle est bien mise en œuvre », souligne François Hollande. Ce compte remplacera le fameux DIF, le droit individuel à la formation, et surtout il est plus étendu que le DIF car il bénéficiera non seulement à tous les salariés, mais aussi aux chômeurs et aux jeunes qui ont quitté l’école sans formation. Pour ceux-là, spécifiquement, François Hollande a annoncé qu’« on ouvrira le capital avant même qu’il n’ait été constitué, une espèce de préfinancement. »
L’accord du 11 janvier entre le gouvernement et les partenaires sociaux a acté la création de ce système de financement pour la formation. François Hollande le décrit : « chaque salarié désormais, qu’elle que soit son entreprise, son statut, son âge, son niveau de qualification, disposera d’un droit d’au moins 20 heures par an pour se former. Il accumulera des droits à la formation. S’il change d’entreprise, il repart avec ses droits, ils ne disparaissent pas, s’il devient chômeur, il a accumulé un certain nombre de droits, il peut accéder à une formation. » Vingt heures cela paraît peu pour se former, c’est pour cela que l’accord du 11 janvier prévoit un plafonnement de ce CFP à 120 heures. C’est donc en réalité un capital de maximum 120 heures qui alloués à ceux qui veulent faire une formation.
Il semble que le calcul du capital du compte personnel de formation se soit fait sur la base de 20 heures seulement et de la manière suivante : il y 28,6 millions de salariés en France auxquels il faut ajouter au moins 3 millions de chômeurs soit un total de près de 32 millions de personnes susceptibles de demander une formation professionnelle. Sachant que le budget de la formation professionnelle, comme nous l’avons dit, est globalement de 32 milliards d’euros, cela fait 1.000 euros par personne. Et puisqu’une heure de formation coûte en moyenne 50 euros, alors, pour ne pas dépasser le budget de 32 milliards d’euros, l’Etat alloue d’office 20 heures de formation par salariés et chômeurs dans ce compte personnel de formation.
Ces quatre mesures totalisent un coût potentiel de quasiment 33 milliards d’euros. Mais il ne s’agissait là que des mesures préparant la pierre angulaire de la réforme de François Hollande : le projet de loi.
L’incontournable projet de loi
Nous sommes en France et pour cette raison rien ne se fait sans une loi, tout doit passer par ce que Frédéric Bastiat appelait joliment la « fabrique des lois » : l’Assemblée nationale et le Sénat. « J’ai demandé aux deux ministres, Michel Sapin et Thierry Repentin », déclare François Hollande, « d’organiser dès le printemps une concertation entre les partenaires sociaux pour préparer un projet de loi sur la formation professionnelle et sur l’apprentissage qui devra, à tous égards, être prêt pour la fin de l’année. »
La future loi réorganisera la gestion de la formation professionnelle selon les principes présidentiels et en renforçant les quatre mesures décrites. Ainsi, François Hollande donne deux objectifs à cette future loi sur la formation professionnelle.
Le premier est de « réorienter les financements de la formation professionnelle vers les chômeurs et vers les salariés qui doivent affronter des mutations technologiques. »
Le deuxième est de « doubler les moyens pour qu’il puisse y avoir très rapidement, chaque fois qu’il y a une situation de chômage, une proposition de formation qui puisse être proposée. »
A la vue du coût des quatre mesures déjà prises pour restructurer la formation professionnelle et des objectifs de la loi, les contribuables peuvent se demander légitimement ce qui changera vraiment. Car nous retrouverons les mêmes acteurs de la formation professionnelle : les entreprises bien entendu, mais surtout les régions, Pôle Emploi, l’AFPA… pourquoi les mêmes qui n’ont pas réussi jusqu’à maintenant, réussiraient-ils aujourd’hui ? Car, même avec un nouveau système de financement comme le compte personnel de formation, si on garde une équipe qui perd, il est peu probable que l’on puisse gagner la bataille de l’emploi qui s’annonce rude. Il est donc à craindre que la réforme de la formation professionnelle de François Hollande ne continue à vider inutilement le porte-monnaie déjà peu rempli des contribuables.
Clément Droynat
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