Des économies ne se réaliseront que si les contribuables exercent une forte pression sur les féodaux locaux, dont la puissance se mesure à leur capacité de dépense. C'est pourquoi une association vient de naître dans le département de la Manche : Manche Contribuables.
Michel Brulé, président de cette nouvelle association de contribuables explique sa démarche :
Il y a un an naissait l’association de défense des contribuables du canton de Saint-Malo-de-la-Lande (Manche). Qu’avons-nous appris en un an d’expérience ?
D’abord que dans ce monde des collectivités territoriales, la crise n’existe pas. Qu’il s’agisse de mettre en route les dépenses les plus contestables ou d’augmenter les impôts, jamais n’apparaît l’idée de rechercher des solutions plus économiques du fait de la conjoncture présente, ne serait-ce que pour soulager des contribuables déjà passés à la moulinette fiscale nationale.
Ensuite qu’on est dans un système où tout pousse à la dépense. D’abord le cumul des mandats. Quand le maire d’une commune est aussi vice président du Conseil communautaire et vice-président du Conseil général, que croyez-vous qu’il advienne ?
Il installe sur sa commune, aux frais de la communauté et subventionnée par le Conseil général, une coûteuse zone d’activité qui perd de l’argent. Il tente aussi de se faire offrir des installations sportives au coût exorbitant. Electoralement, c’est tout bénéfice, puisque ce sont les autres qui payent…
Une caricature de démocratie
Ces collectivités tendent à devenir des féodalités, où quelques « barons » décident de tout. Les procédures de décision sont une caricature de démocratie et une incitation au gaspillage. Il n’y a de débat préalable ni sur l’opportunité des grosses dépenses, ni sur la réalité des besoins qu’elles sont censées satisfaire, ni sur les futurs frais d’entretien.
Le jeu des subventions fausse la responsabilité financière. Récemment un coûteux équipement faisant double emploi a été entériné par le Conseil car nos barons avaient fait jouer leurs relations et obtenu des subventions de cinq sources différentes, de telle sorte que plus de la moitié de ce gaspillage était prise en charge par… d’autres contribuables.
L’octroi de ces subventions est aussi un processus opaque où le copinage et les relations jouent un rôle plus important que le bien fondé des projets subventionnés.
Ne comptons pas sur l’administration pour tempérer ces gaspillages : elle conseille aux communautés de gonfler artificiellement leur frais de fonctionnement pour disposer d’une réserve discrétionnaire ; et quand les projets de nos barons enfreignent ses propres règles, elle ferme les yeux.
Ne pas faire de peine aux gens en place
Ne comptons pas non plus sur la presse locale pour se faire l’écho de ces abus ou de ces gaspillages. Elle n’aime pas faire de peine aux gens en place.
Notons encore le détournement de sens du terme « investissement »dans les budgets locaux. Pour les économistes, un investissement, c’est une dépense importante consentie aujourd’hui pour accroître demain les capacités productives.
Quand vous décidez de couvrir deux courts supplémentaires au profit d’une école de tennis d’une centaine d’élèves, dans une commune de 3 000 habitants qui en compte déjà trois ; quand vous voulez que la communauté engloutisse 1 350 000 € pour édifier une salle de futsal (football en salle, ndlr) dans une commune de 2 000 habitants alors qu’il y en a une à 10 km, tout ce que ces dépenses inconsidérées produiront demain, ce seront des frais de fonctionnement qui s’avéreront lourds.
Arbitraire et favoritisme
Mais les copains s’y retrouvent. Car ce système féodal est propice, à l’arbitraire et au favoritisme. Quand un maire veut faire allégeance aux « barons », il fait voter une contribution de sa commune à tel ou tel de leurs projets. Il n’hésite pas à laisser prendre part au vote un adjoint qui est aussi dirigeant d’une des associations directement bénéficiaires de ce projet. Sa voix s’avérera déterminante. Le conflit d’intérêt ? Connaît pas.
Les bénéficiaires de ces largesses ne se montrent pas ingrats : le favoritisme appelle la flagornerie ; l’un d’eux a qualifié de « géniale » l’initiative présidentielle arrosant son association d’argent public.
Tocqueville, le plus illustre des élus de la Manche, attribuait à la décentralisation une valeur civique : elle incite les citoyens à s’intéresser aux affaires publiques et les accoutume à l’usage de la liberté et de la responsabilité. Il n’avait pas imaginé que par le jeu des baronnies, du chevauchement des responsabilités et du cumul des mandats, elle puisse devenir l’école du clientélisme et de l’irresponsabilité.
Le système pousse à la dépense
On se gardera de systématiser les observations faites sur une communauté de communes. La personnalité des dirigeants joue sûrement dans l’étendue des gaspillages et de l’arbitraire. Reste qu’il s’agit d’un système où tout pousse à la dépense.
Mais terminons sur une note positive : le silence et l’obscurité sont les alliés du gaspillage et de l’arbitraire. Une association qui met les abus sur la place publique joue déjà un rôle d’assainissement
Il existe d’importantes marges d’économies dans les dépenses de nos collectivités locales : pas seulement dans leurs coûts de fonctionnement, dont la dérive est régulièrement dénoncée par la Cour des comptes, mais aussi dans ce qu’elles baptisent abusivement « investissements ».
Ces économies ne se réaliseront que si nous exerçons une forte pression sur ces féodaux dont la puissance se mesure à leur capacité de dépense. C’est pourquoi nous avons décidé de passer à l’échelon départemental et de devenir Manche Contribuables.
Michel Brulé, président de Manche Contribuables
Manche Contribuables, 48 rue des Amiraux Jehenne 50230 Agon-Coutainville ; Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.
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