Dans son livre « Impôt Condriaque », Joëlle Porcher retrace l'histoire des impôts et traite avec humour de la peur de la taxation chez les Français. Une légèreté de ton qui la conduit à minimiser la réalité de la détresse fiscale des contribuables.
Peut-on parler des impôts avec humour ? La chose n’est pas facile dans un pays qui fait partie des plus taxés du monde et où le fisc peut parfois se comporter comme une véritable police politique.
C’est pourtant le défi qu’a relevé la journaliste Joëlle Porcher dans son livre Impôt condriaque (aux éditions Alliance, collection « L’air qu’on respire ») qui retrace l’histoire des impôts, alors que l’on « célèbre » cette année le centenaire de l’impôt sur le revenu. Celui-ci fut adopté le 3 juillet 1914, un mois avant le déclenchement de la Grande Guerre. Il fallait alors financer l’effort de guerre à venir ; la guerre s’est terminée, l’impôt sur le revenu, lui, est resté.
Le livre de Joëlle Porcher est agrémenté de dessins humoristiques de « Snif », et de chapitres ludiques : notons le « test de dépistage » des pages 144 à 146 qui permet au lecteur de connaître son niveau d’« impôt condrie », de peur irrationnelle de l’impôt.
En épilogue au livre se trouve aussi un chapitre sur les impôts les plus insolites à travers les âges et les contrées (pp. 139-143) : on apprend par exemple que le tsar de Russie Pierre le Grand avait établi un impôt sur la barbe pour forcer ses sujets à avoir un visage glabre, dans sa politique d’alignement de la Russie sur le reste de l’Europe.
Plus récemment et toujours en Europe, l’Allemagne a décidé de taxer les massages tantriques au même taux que la prostitution (activité réglementée outre-Rhin), au motif qu’ils procureraient une gratification d’ordre sexuel !
En France, il a existé entre 1871 et 1944 une taxe sur les billards, vus comme un signe extérieur de richesse. Chose étrange, alors que cette taxe avait une visée patriotique (payer l’amende de cinq milliards de francs-or imposée par Bismarck à la France vaincue), seuls les billards français étaient imposés. Les billards anglais échappaient à la taxe… peut-être un moyen de préparer l’Entente cordiale de 1904, qui allait conduire à l’alliance de 1914-1918.
Un ton trivial pour décrire une colère légitime
Vous l’avez compris, le ton du livre est léger, et, même pour les impôts les plus sérieux, l’humour est de mise. Il faut dire que l’ouvrage a été préfacé par Philippe Lhomme, porte-parole de l’un des nombreux mouvements issus de la grogne fiscale de ces dernières années : les « raloignons » (ras l’oignon). Créé au printemps, il s’agit d’un groupement de chefs d’entreprise, commerçants et artisans s’étant fait connaître par une manifestation en sous-vêtements à Angoulême (devant le centre des impôts !) en mai dernier, afin de dénoncer la tonte fiscale.
Si l’ouvrage part d’une bonne intention et si l’approche utilisée est originale, le lecteur reste un peu sur sa faim, surtout après avoir dû débourser 16 euros pour se le procurer. Le dessinateur Snif a certes un bon coup de crayon (rappelant le trait de Binet, père des Bidochon eux aussi soumis à l’arbitraire fiscal dans Les fous sont lâchés), mais niveau humour, ce n’est pas toujours très inspirant. Le dessin est bon, mais on se demande parfois s’il faut rire (c’est censé être le but) ou pleurer (d’où le pseudonyme, peut-être).
Quant au texte lui-même, la légèreté du ton finit par trivialiser la réelle détresse fiscale des contribuables, dont certains vont jusqu’à s’immoler par le feu devant les centres des impôts. Qualifier d’hypocondriaques des personnes dont la vie est littéralement brisée par le fisc est un peu cavalier.
Plus problématique encore, l’approche historique (assez superficielle au demeurant) tend à relativiser les problèmes qui se posent ici et maintenant, dans la France de 2014. Le propos de Joëlle Porcher revient à expliquer que la peur des impôts a toujours existé, comme si, au fond, rien n’avait changé. Or, un simple coup d’œil à ce type de graphique nous montre que la dépense publique est passée de 10% du PIB à la fin du XIXe siècle à plus de 50% à la fin du XXe. Si les contribuables de l’époque se plaignaient déjà, ceux d’aujourd’hui ont encore davantage de raisons de le faire !
Un élément d’explication peut-être à cette position relativement pro-fiscale de l’auteur : dans sa bibliographie (p. 147) se trouve le livre Pour une révolution fiscale de Thomas Piketty, économiste proche de Terra Nova, le think-tank du Parti socialiste. Piketty avait notamment proposé en 2011 de créer un nouvel impôt touchant les propriétaires au motif que ceux-ci seraient privilégiés car ne payant pas de loyer.
Il reste donc à souhaiter qu’une réédition future du livre corrige ces quelques défauts (ainsi que les nombreuses « coquilles » qui ont échappé à la vigilance des correcteurs…) car l’intention initiale de l’auteur est louable.
Comme le disait Figaro au comte Almaviva : « Je m’efforce de rire de tout, de peur d’avoir à en pleurer ».
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