Il était une fois un contribuable qui perdit ses parents, remplit une déclaration de succession et paya ses impôts.
Quelques temps après, pour être précis trois ans plus tard et deux jours avant la prescription, il reçoit un redressement, joliment appelé « proposition de rectification », dans lequel le service des impôts conteste la valeur retenue pour un bien immobilier et propose de doubler l’estimation, sur la base du prix auquel auraient été vendus des biens similaires.
Une discussion s’entame alors avec le contrôleur des impôts. Le contribuable conteste la pertinence des valeurs de comparaison et argue surtout du fait que puisque l’immeuble en question a été vendu peu de temps après le règlement de la succession, autant retenir le prix de vente constaté qui semblait être incontestable puisqu’on voit mal pourquoi le contribuable aurait bradé son bien.
La loi interdit de se fonder sur une transaction postérieure au décès pour évaluer un bien
Cette suggestion ne devait pas annuler le redressement mais le diminuer de moitié. Le contrôleur, plein de bonne volonté, répondit qu’il voudrait bien accéder à la proposition du contribuable mais qu’il ne pouvait pas car la loi lui interdisait de se fonder sur une transaction postérieure au décès pour évaluer le bien !
S’enclencha alors une série d’échanges en vue de parvenir au même résultat mais sur un autre fondement car le contrôleur comprenait la situation du contribuable mais refusait d’être en infraction avec la loi quant à la justification du prix.
En fin de compte, un arrangement fut trouvé conforme au prix réel de vente du bien…
Impossible d'échanger par mail, l'administration fiscale impose le courrier recommandé
Toutefois, cela fut au prix de moult courriers postaux recommandés, malgré la suggestion du contribuable d’échanger par mail, le contrôleur s’excusant de ne pouvoir adopter ce mode de communication plus moderne au prétexte que ses consignes lui imposaient toujours le courrier recommandé avec accusé de réception à 5 euros l’unité…
Quoi qu’il en soit, la réponse finale aux observations du contribuable énonçait explicitement que la position de l’administration qui y était rappelée ne demandait de la part du contribuable aucune réaction particulière et encore moins paiement immédiat puisque celui-ci devait s’effectuer ultérieurement, au vu d’un avis de mise en recouvrement qui devait être envoyé au contribuable par le comptable du trésor.
Or, plusieurs mois s’écoulèrent sans que parvint au contribuable redressé le moindre avis réclamant le paiement de l’impôt supplémentaire. Espérant secrètement la disparition de son dossier au fond d’un tiroir d’une armoire perdue du service fiscal, l’intéressé dut finalement déchanter à la réception au bout d’un long silence administratif du fameux avis de mise en recouvrement.
Sauf qu’à la différence du fort aimable courrier de réponse aux observations du contribuable invitant celui-ci à attendre tranquillement la facture, l’avis en question indiquait sur un ton comminatoire et réprobateur que l’impôt n’avait pas encore été payé et qu’il devait l’être dans les plus brefs délais sous peine de poursuites, pénalités etc.
Sans d’ailleurs préciser depuis quand l’argent devait être acquitté, quel délai restait à courir et quelles pénalités étaient à craindre.
Le tout signé de la façon la plus administrative qui soit par un comptable anonyme faisant regretter le temps des relations devenues presque amicales avec le contrôleur d’origine.
Inquiet, le contribuable s’empressa de faire un virement à l’administration fiscale qui, depuis lors, ne donne plus signe de vie, que ce soit pour remercier ou simplement accuser réception…
Si le fisc vous dit de ne pas payer tout de suite, il ne faut pas forcément le croire
Les leçons à tirer de cette histoire :
- Si l’État est à court d’argent, il ne s’interdit pas d’attendre la veille de la prescription pour faire valoir sa créance.
- Si les services de contrôle peuvent être animés par des fonctionnaires courtois et diligents, les services de recouvrement savent rester froids et anonymes quand il s’agit de faire rentrer l’argent.
- Si le ministre prône le « zéro papier » et le « tout en ligne », il n’est pas encore parvenu à trouver la bonne méthode au moment de redresser.
- Si le fisc vous dit de ne pas payer tout de suite, il ne faut pas forcément le croire.
- Tout automatiser conduit en fin de compte à supprimer tout repère, laissant le contribuable seul face à son paiement, sans savoir s’il est dans les délais et encore moins si son argent est bien arrivé…
Olivier Bertaux, expert fiscaliste de Contribuables Associés