Deux petites réflexions donnent une bonne idée de l’importance de la Défense. La première est du Général de Gaulle : « L’épée est l’axe de l’Histoire » et la seconde voudrait qu’il y ait toujours une armée dans un pays ; si ce n’est pas celle du pays, c’est celle du pays d’à côté.
Cela peut nous inspirer deux déductions. D’une part l’armée est synonyme d’indépendance, d’autre part elle est également un marqueur de puissance qui oriente les grands choix d’une époque.
Si l’on regarde les choix dont la France dispose aux vues de sa préparation militaire, ils sont minces : l’armée ne possède de munitions que pour tenir trois jours de guerre ; en revanche, elle dispose à Toulon d’une réserve de pétrole permettant à toute sa marine d’être autonome durant six mois.
L’époque est peut-être celle des grandes migrations, mais ce n’est pas une raison pour qu’en cas de guerre nos militaires ne puissent rien faire d’autres que déplacer la population d’un point à un autre, dépourvus d’armes qu’ils seront au bout de 72 heures.
Qu’est-ce qui empêche aujourd’hui la France de redevenir une vraie puissance militaire à la hauteur de son histoire ?
Deux choses : des motivations politiques et des motifs économiques. Les motivations politiques sont de plusieurs ordres, et l’on peut citer en particulier la volonté de remplacer la défense nationale par une Europe de la défense.
Dans son allocution à l’Ecole militaire du 3 novembre 1959, le Général de Gaulle rappelait que
"Il faut que la défense de la France soit française. (…) Un pays comme la France, s’il lui arrive de faire la guerre, il faut que ce soit sa guerre. Il faut que son effort soit son effort. S’il en était autrement, notre pays serait en contradiction avec tout ce qu’il est depuis ses origines, avec son rôle, avec l’estime qu’il a de lui-même, avec son âme. Naturellement, la défense française serait, le cas échéant, conjuguée avec celle d’autres pays. Cela est dans la nature des choses. Mais il est indispensable qu’elle nous soit propre, que la France se défende par elle-même, pour elle-même, et à sa façon. S’il devait en être autrement, si on admettait pour longtemps que la défense de la France cessât d’être dans le cadre national et qu’elle se confondît, ou se fondît avec autre chose, il ne serait pas possible de maintenir chez nous un Etat. Le Gouvernement a pour raison d’être, à toute époque, la défense de l’indépendance et de l’intégrité du territoire. C’est de là qu’il procède. En France en particulier, tous nos régimes sont venus de là."
Les motifs économiques concernent les coupes budgétaires opérées par les gouvernements successifs.
Dernièrement, on pense aux décisions prises par le Président sortant qui ont entrainé le départ du Général de Villiers : ce dernier avait déclaré que « l’armée française se trouve aujourd’hui en véritable surchauffe car elle doit mener à bien tant de missions avec des moyens limités ».
Emmanuel Macron avait en effet réclamé 850 millions d’euros d’économie aux armées.
Le chef d’état-major des armées avait alors dénoncé : « Le grand écart entre les objectifs assignés à nos forces et les moyens alloués n’est plus tenable », et avait appelé à « préserver l’indispensable cohérence entre les menaces, les missions et les moyens ».
En 2017, le budget de la Défense s’élevait à 32,7 milliards d’euros. Malgré le gel de 2,8 milliards d’euros, ces 850 millions d’euros devaient être assurés au profit du surcoût des opérations extérieures. En ne voulant pas tenir cet engagement, Emmanuel Macron a fait chuter le budget de l’armée de 8 à 10%.
Cet aspect économique rejoint un problème plus global qui est celui de la gestion des deniers publics.
Le secteur de la défense manque de moyens, mais pas en raison de la pauvreté de l’Etat, c’est à cause de la gabegie qui y règne.
On constate par exemple une sous-exécution massive des investissements militaires depuis 2009 qui va en s’aggravant : on est ainsi passé de 1,1 milliard d’euros voté et non employé à 13,9 milliards d’euros en 2020. Cette sous-consommation des crédits militaires pourrait expliquer en partie l’insuffisance de matériel militaire au niveau.
De nombreux pays du monde font le choix de se réarmer massivement, et la France, pourtant une grande puissance militaire et la première armée d’Europe, détonne par sa timidité en la matière.
Même l’Allemagne vient de débloquer 100 milliards d’euros pour se réarmer, quand la France ne peut que péniblement édicter une loi de programmation militaire qui porte le budget de la Défense à 2% du PIB, un pourcentage tout-à-fait insuffisant pour tenir son rang dans le concert des nations.
Si la France ambitionne de continuer à être indépendante des blocs américains, russes et asiatiques, cela ne peut se faire qu’en assumant une volonté de puissance qui, de tous temps, a été le moteur des grandes œuvres.
Aliénor Barrière
Assurez-vous d'entrer toutes les informations requises, indiquées par un astérisque (*). Le code HTML n'est pas autorisé.