L’ouvrage de Jean-Marc Daniel s’ouvre sur une phrase bien connue, digne des plus grands contes. "Il était une fois l’argent magique", n’a pourtant rien d’un conte de Charles Perrault. Jean-Marc Daniel y affiche clairement sa volonté de désenchanter les rêveurs. Il décrit un univers encore trop méconnu : celui de l’économie politique.
On pourrait presque rapprocher cet ouvrage de "Candide ou l’optimisme" de Voltaire, tant il est initiatique, et qu’il tend à prouver que le meilleur des mondes n’existe pas, un monde d’ « alchimistes » qui pourraient financer la dette par la dette tout en augmentant les dépenses publiques, indéfiniment.
Véritable bijou et mine d’informations, c’est avec le plus grand des pragmatismes que Jean-Marc Daniel fait un état des lieux des doctrines qui entourent les politiques budgétaires et la dette, sans jamais totalement basculer dans l’idéologie.
Peu nombreux sont les auteurs qui, comme lui, nous permettent de comprendre le fonctionnement du système bancaire en un seul livre, abordable, et avec pédagogie.
Parmi l’ensemble des thèmes abordés en voici quelques-uns qui font échos aux combats de Contribuables Associés.
Bien sûr, cette sélection ne vous exempte pas de lire ce livre dont la trame suit une logique implacable qui mérite d’être suivie pour bien tout assimiler.
- Le rachat de la dette par la Banque Centrale et les mesures de Quantitative Easing incitent les banques commerciales et les Spécialistes en Valeurs du Trésor à prêter davantage aux Etats, sans véritable stratégie. Ainsi, ce crédit d’argent créé ex nihilo est porté de plus en plus vers consommation et au public au détriment des investissements de production. La substitution de la dette publique au travail remplace alors les investissements, moteur de la croissance de l’économie. De plus, le manque de précaution quant à l’octroi d’un crédit par les banques implique une inflation. En effet, on ne le répétera jamais assez, les crédits font les dépôts. Ainsi, lorsqu’un particulier rembourse, il y a destruction monétaire. Or si une entreprise en vient à faire faillite, l’argent ne se détruira pas. Il y aura alors un surplus d’argent en circulation causant alors une inflation.
- Quand on parle d’austérité, il ne s’agit pas de bloquer toute mesure sociale, mais simplement d’allouer l’argent publique avec le plus grand des sérieux. Il faut donc distinguer bon déficit et mauvais déficit. Le bon déficit désigne le déficit conjoncturel qu’une politique budgétaire efficace peut résorber. Le mauvais déficit est, quant à lui, le déficit structurel. Ce dernier ne peut être contenu que selon des règles simples et universelles.
- Equilibrer les comptes structurels
- Fluctuer les dépenses selon le PIB potentiel (PIB attendu pour l’année à suivre)
- Gérer les recettes selon le PIB réel (qui prend en compte les aléas d’une année)
Cette gestion de l’économie ne laisse place ni à l’imagination, ni au hasard. Et c’est, selon Michel Chevalier – économiste français du XIXème, précisément ce qui embêterait les Français. Tel Icare à la recherche du brillant, « la nation française [qui] brille par l’éclat et la fécondité de son imagination » se brule les ailes quand on en vient à la froideur des constats de l’économie politique.
- On ne peut pas comparer l’Etat à une entreprise. L’Etat et les entreprises ont des fonctions bien distinctes. Ainsi, leur dette ne se justifie pas par les mêmes raisons. Une dette privée se justifie par un apport de richesses futures, quand la dette publique sert à résorber les aléas conjoncturels. L’Etat doit se charger également :
- De mesurer, avec une politique fiscale l’allocation d’un produit (la taxe sur le tabac permet d’en limiter la consommation et donc les frais médicaux).
- De redistribuer les ressources en conformité avec sa vision de la justice sociale.
- D’assurer le plein emploi et la croissance sans inflation ni déficit extérieur. Cette contrainte est liée au fait qu’un excédent budgétaire permettra de mieux manœuvrer en temps de crise et d’allouer aux mieux les ressources.
- Toute dépense publique se traduit par un impôt, et donc un appauvrissement de la population et de la demande. Le financement par « l’argent magique » ne provoque pas d’inflation à court-terme : l’argent reste au sein du système bancaire. Cependant en user à outrance perverti le système et décrédibilise la monnaie. Dans le système « d’argent magique », une Banque Centrale a un rôle double : la création monétaire pour racheter la dette des Etats et maintenir les taux aux plus bas pour laisser aux Etats la possibilité d’emprunter pour pas cher. La baisse de crédibilité de la monnaie est alors encore plus rapide qu’escompté avec des conséquences qui peuvent être fatales pour l'Etat. (La réflexion est beaucoup plus profonde et détaillée, toutefois par souci de synthèse, nous nous arrêterons ici pour ce point).
- La dette est un système anti-redistributif. Aussi louables que soient les intentions derrière un plan de relance, il ne faut pas oublier que la dette est une transmission d’argent. Nous sommes toujours tributaires de nos créanciers. Outre les difficultés en termes de libertés que nous serons amenés à affronter envers nos créanciers, par l’impôt, les contribuables consentent à payer des intérêts aux détenteurs de la dette. L’argent allant alors des contribuables vers les épargnants les plus fortunés.
- L’austérité n’est efficace seulement par la voie d’une baisse de la dépense publique. En effet, une hausse des impôts induit une frilosité des investisseurs et du grand public, qui préfèrent prévoir une potentielle banqueroute de l’Etat ou qui préfèrent épargner si besoin est. Cette frilosité implique alors une contraction de la demande et donc une récession si davantage d’argent public n’est pas mis à disposition pour relancer la demande. On tombe alors dans un cercle vicieux de relances. De nombreuses études comme celle de l’OCDE en 2010, prouvent que la mise en place d’une politique d’austérité mène à une récession de 0.7% par point de PIB « assainit » (étant donné que l’argent public était le socle de la demande). Néanmoins, les études mettent également en lumière que sous les 5 ans, un politique budgétaire austère mène à une meilleure croissance. Par effet de levier, la croissance induit une baisse du coût de la politique de l’emploi etc. Il est cependant essentiel de préciser qu’une politique d’austérité est inutile si l’investissement privé ne prend pas le relai de la demande publique car il entraînera la demande nécessaire et une meilleure productivité. Pour cela, il faut baisser les impôts sur les sociétés, et ne point augmenter celui des ménages. Le redressement des finances publiques assis sur les hausses d’impôt se retourne donc contre son objectif (dû au découragement des investisseurs et une moindre demande).
- Déclarer banqueroute est un non-sens absolu et serait une catastrophe pour le pays. Déclarer banqueroute a un énorme coût économique (appauvrissement réel des Français – 40% de la dette est détenue par les Français) et un énorme coût politique (lié à cet appauvrissement). De plus, il en va de l’honneur et la crédibilité de la nation que de respecter la continuité et le respect de la parole politique donnée. En effet, la continuité de l’Etat, même à travers les régimes, rassure les investisseurs étrangers, plus enclin à développer des entreprises sur le territoire ou à prêter de l’argent. De plus, déclarer banqueroute ne constitue pas en soi une solution. En effet, un Etat en faillite sera assurément libéré du versement des intérêts de la dette mais celui-ci devra à nouveau emprunter, mais qui voudra bien prêter son argent à un Etat qui ne tient pas sa parole ? Et à quel prix ? Toutefois, Jean-Marc Daniel explique que déclarer faillite est à la limite de l’acceptable si l’équilibre budgétaire, hors versement des intérêts, est respecté. Le pays pourra alors obtenir des prêts à taux bas puisque son bilan sera excédentaire ou équilibré.
- Miser sur une croissance par des plans de relances successifs se présente comme une fausse solution. Le Japon avait de 1994 à 2007 un déficit moyen de 6% du PIB. Misant sur l’argent magique et la relance de l’économie, la dette est passée de 120% du PIB à 240% pour un taux de croissance moyen de 0.4%. Naviguant entre différents exemples dans différentes cultures dont la France, Jean-Marc Daniel passe derrière l’écran de fumée que présente l’effet multiplicateur et établit ce constat : la relance ne marche pas. Pourquoi ?
- La relance par la consommation ne marche que si aucun produit étranger n’est acheté par l’ensemble des citoyens, auquel cas l’argent dégagé profite aux voisins. Or la substitution de la dette publique au travail est souvent synonyme d’un manque de production intérieure et donc d’importations de produits étrangers.
- Chacun doit continuer de dépenser. Or les doutes sur la possibilité de l’Etat à pouvoir rembourser incitent les citoyens à moins dépenser. En quelque sorte, la demande publique se substitue la demande privée, elles ne s’additionnent pas. On a alors créé de la dette pour rien.
Benoît Lacoux
"ll était une fois l'argent magique" Jean-Marc Daniel, Editions Le Cherche-Midi, 2021, 144 pages, 14.50€.
*****
Dette publique : une bombe à retardement pour les Français. L'étude de Contribuables Associés
Points clés de notre étude
- La France est vice-championne d’Europe du niveau de dette publique par habitant.
- La moitié des détenteurs de la dette publique sont extérieurs à la France.
- Laisser développer la dette française fait courir le risque de devenir de plus en plus dépendant de la Banque centrale européenne.
- De nombreux pays européens ont introduit des barrières légales pour éviter un endettement massif.
- Les pays européens qui gèrent correctement leurs finances publiques sont aussi ceux qui ont préféré encadrer l’action de leur État afin de laisser l’économie et les entreprises se développer.
Cette étude est vendue normalement 10 €. Nous vous en offrons la lecture. Cliquez sur le cartouche et téléchargez-la gratuitement.