Institut IRES : des fonds publics utilisés pour faire bouillir la marmite syndicale

Écrit par Alexis Constant

La Cour des comptes accuse certains syndicats d’avoir utilisé de manière « injustifiée » 9 millions d’euros fournis par Matignon.

Quelques jours avant une nouvelle mobilisation contre la réforme des retraites ce mardi 6 juin 2023, la Cour des comptes a jeté un pavé dans la mare syndicale en mettant en cause la gestion de l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES).

L’Ires a été créé en 1982 pour doter les organisations syndicales d’un institut d’analyse économique indépendant des services d’études relevant de l’État.

Ses membres fondateurs sont la CFDT, la CFE-CGC, la CFTC, la CGT, l’UNSA-Éducation (ex. FEN), et la CGT-FO.

Le principal financeur de cette structure est Matignon (une subvention de 2,7 millions d'euros en 2021), apparemment pas très regardant sur la façon dont ses dotations (fournies via France Stratégie) sont dépensées.

L'IRES, c'est d'un côté un centre de recherche avec une équipe interne ; de l’autre, une « agence d’objectifs », qui finance des enquêtes réalisées à la demande et sous le « contrôle » de chaque syndicat.

Les études sont donc réalisées en direct par l'IRES ou confiées aux syndicats. Ce sont celles-ci qui posent problème : elles coûtent deux fois plus cher que celles réalisées par l'IRES.

Une vraie gabegie. La Cour note que les sommes versées aux organisations syndicales sont fixées de « manière arbitraire sans analyse du coût prévisionnel des études qu’elles financent ».

A l’appui de cette thèse, les juges financiers ont décortiqué l’emploi des dotations publiques accordées à l’Ires sur 11 ans.

Ils estiment que 9 millions d'euros entre 2010 et 2021 ont été dépensés de façon litigieuse pour faire bouillir la marmite syndicale.

Institut IRES : pas de fléchage financier

La Cour déplore que « toutes les organisations syndicales imputent sur ces contrats d’études des frais généraux et des charges de personnel interne qui, pour certaines, peuvent atteindre jusqu’à 85 % du financement total ».

C’est un niveau « injustifié » et « sans commune mesure » avec celui retenu par les organismes de recherche dans le cadre de contrats conclus avec leurs financeurs, indique la Cour des comptes.

Si un taux moyen uniforme de 10% de frais de gestion avait été appliqué sur chaque contrat d'études signé durant la dernière décennie, l'Ires aurait pu économiser près de 9 millions d’euros enchaîne la Cour.

Celle-ci s’étonne aussi de la lenteur avec laquelle certaines études sont réalisées : parfois 14 ans après avoir été commandées !

L'objet des études peut changer en chemin, le montant alloué aux chercheurs recrutés est souvent bien inférieur à la subvention versée par l'Ires aux syndicats pour les réaliser.

Extrait édifiant du rapport de la Cour des comptes : 

« Une douzaine d’études lancées par le syndicat CGT-FO n’était toujours pas achevée, voire commencée, en 2022 entraînant un délai de réalisation supérieur ou égal à 10 ans depuis leur approbation et leur financement initial. En 2007, une étude sur la « Sous-traitance : enjeux économiques nationaux et régionaux » a été approuvée. Le syndicat a perçu la même année 53 297 € (70 % du montant prévisionnel de l’étude soit 76 139 €). En 2019, douze années plus tard et en l’absence de tout résultat, le syndicat a signé un avenant transformant le thème de l’étude devenu : «Étude prospective sur l'évolution des métiers dans les services à la personne». Le rapport a été remis en 2021, 14 ans après le financement de la première étude. En 2008, la CGT-FO a proposé le thème de « La protection sociale, un levier du développement économique » et a perçu 58 610 € (70 % d’un budget de 83 729 €). Dix ans après, en 2018, un avenant est passé avec l’IRES, après approbation de l’assemblée générale, transformant le thème de l’étude qui porte désormais sur « le contrat d’impact social ». Près de quatre ans après, au 1er mars 2022, le syndicat n’avait toujours pas trouvé de prestataire pour la réaliser. Un délai de quatorze ans s’est donc écoulé depuis l’attribution de la dotation. En 2008 toujours, ce même syndicat présente un projet d’études portant sur « Les 60 ans de la CGT-FO ». En 2019, le thème initial est abandonné par un avenant au profit d’une « Étude historique sur le rôle de Léon Jouhaux à l'OIT ». Le syndicat avait perçu 66 571 € en 2008 (sur 95 102 € budgétés). La CGT-FO a indiqué réaliser cette étude en interne. Le rapport, n’avait toujours pas été remis au 1er février 2023, soit 15 ans après le versement de 70 % du montant de l’étude.»

Pour apurer le système, les magistrats financiers appellent à réexaminer le mode de fonctionnement de l’Ires, et suggèrent que les subventions de Matignon soient versées au Fonds pour le financement du dialogue social (AGFPN) ce qui permettrait de mieux en contrôler l’usage.

Abreuvé par les fonds d’entreprises et de l’État, l’AGFPN est géré paritairement par les organisations patronales (Medef, CPME, U2P) et syndicales (FO, CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT). Un Commissaire du gouvernement est également associé au conseil d’administration.

Autre suggestion, l’institution de la rue Cambon recommande que la section « centre de recherche » de l’Ires soit rattachée à un grand organisme de recherche, ce qui permettrait à la fois de renforcer l’objectivité et la qualité des études.

Publié le mardi, 06 juin 2023

3 Commentaires

  • Lien vers le commentaire Loescher jeudi, 22 juin 2023 Posté par Loescher

    Arrêtons de subventionner les syndicats ils doivent faire avec leurs cotisants.point barre

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  • Lien vers le commentaire fabrice vendredi, 09 juin 2023 Posté par fabrice

    9 millions, une goutte d'eau par rapport aux milliards versés à des associations dont on ne connait pas le but ni l'utilité. Je ne défend pas les syndicats, je pense qu'ils devraient faire avec j'argent des cotisations, mais ils auraient tord de s'en priver, personne ne dit rien. Les politiques aussi ont des tords, comme par exemple les subventions versées aux syndicats pour que leurs représentants dans les conseils d'administrations, votent en faveur de la présidence. Quand on y regarde de plus près, tout vient des politiques, ce sont eux qui créent les situations et votent les lois, c'est donc là qu'il faut agir, mais qui le fera ? Il faut des ordres venant des politiques eux-même pour agir et ils ne sont pas assez cons pour se tire une balle dans le pied.

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  • Lien vers le commentaire Charff Michèle jeudi, 08 juin 2023 Posté par Charff Michèle

    Quand sortirons nous du n ' importe quoi. Laissons les syndicats sr dépatouiller sans subventions de l État car c ' est de notre poche que tout sort pour leur magouille.

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