Les hauts fonctionnaires constituent une caste autosuffisante, attachée à ses privilèges, un levain de complexité que le chef de l’État invite désormais à la simplicité.
Prenant la parole devant 700 hauts fonctionnaires lors d’une « conférence managériale de l’État », le 12 mars 2024, Emmanuel Macron a exhorté les responsables de la fonction publique à se comporter comme des cadres supérieurs afin que les décisions élyséennes trouvent une déclinaison concrète sur le terrain.
Initialement, c’est Gabriel Attal, Premier ministre, qui devait plancher devant la haute administration. Il s’est fait voler la vedette par Emmanuel Macron que la crise agricole aurait incité à mener cette séance de recadrage.
Le problème posé par une élite administrative qui reste en poste alors que les politiques passent, n’est pas nouveau. Contrairement aux États-Unis où les têtes de l’État fédéral sautent en cas d’alternance électorale, le sérail français n’est pas renouvelé ou à la marge.
Auteur de Technocratisme (Éditions Amsterdam, 2023), Alexandre Moatti, polytechnicien et ingénieur du corps des Mines, chercheur en histoire des sciences à l'université Paris-Diderot, déclarait dans les colonnes du Figaro en novembre dernier : « Mon analyse est qu'en 2017, la technocratie a remplacé la politique. Les grands corps d'État ont pris le pouvoir, en balayant le personnel politique des deux côtés de l'échiquier ».
Selon Alexandre Moatti, cette technocratie de « deuxième gauche », née de manière opportuniste entre 1981 et 1984, a fait la jonction avec celle issue d'une droite orléaniste. Elle a pris le pouvoir. Le représentant de cette technocratie, désigne l’auteur, n’est autre qu’Emmanuel Macron qui cherche aujourd’hui à électriser le système dont il est l’enfant tardif.
Des objurgations et rien d’autre : l'activisme réformateur d'Emmanuel Macron est purement incitatif. « Si nous savons nous réformer nous-mêmes, changer de culture (administrative) », nous pouvons être un des premiers pays à répondre à la crise de confiance de la population, a-t-il assuré en réclamant une « culture du résultat », et de la « prise de risque » au sein de l'État.
Seule annonce concrète, le chef de l’État a annoncé un « mouvement massif » de déconcentration des services centraux au niveau du département avec des préfets jouant le rôle de chef d’orchestre.
Cet appel aux chefs-lieux est cocasse quand on se rappelle qu’en 2021, Emmanuel Macron (loi 4D) envisageait la suppression du corps préfectoral… tout en maintenant la fonction de préfet !
Pas sûr que l’appel présidentiel à la déconcentration, mobilise une haute fonction publique qui impose ses choix de société et ses arbitrages économiques aux élus, bien qu’elle ne jouisse d’aucune légitimité électorale.
Je viens de finir la lecture du livre "Le clan de seigneurs" de Paul-Antoine Martin dont voici le résumé :
"Ils ne parlent pas aux médias, ils ne sont pas élus, on ne les connait pas et, pourtant, ils ont le pouvoir. Parce qu'ils ont réussi dans leur jeunesse un concours prestigieux, la République les honore à vie, et en fait une "élite". Ces hauts fonctionnaires issus des trois plus "grands" corps d'Etat (Polytechnique, Pont et Chaussées et l'ENA) veillent ainsi aux destinées de la nation et à la grandeur de la France.
Enfin en théorie... Car la réalité est toute autre : Philippe Guillard, cadre dirigeant dans plusieurs établissements publics a côtoyé cette "noblesse d'Etat" pendant plus de 15 ans. Au travers de situations édifiantes et vécues, il décrit leur esprit de caste, leur goût pour les privilèges, et leur comportement de seigneurs. On les imagine veillant aux destinées de la nation, fiers de la servir ; on les découvre sans vision, opportunistes, cyniques, arrogants, manipulateurs et mercenaires à la solde de leur corps, dans une totale impunité.
Pour l'auteur, cette caste est une catastrophe dans son secteur d'activité (les ports maritimes) et plus largement pour le développement de la France et son rayonnement à l'international."
Assurez-vous d'entrer toutes les informations requises, indiquées par un astérisque (*). Le code HTML n'est pas autorisé.