En réaction à « toutes les tribunes et les textes écrits » sur le financement du cinéma français, Aurélie Filippetti, ministre de la Culture (photo), a demandé au Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC) d’organiser des assises du cinéma, le 23 janvier 2013.
Le but est d’expliquer le financement du cinéma français. Mais à quoi cela sert-il ? Il n’y aura pas de débats, d’idées nouvelles ou de proposition de financement autre que public.
En effet, le CNC est l’organisateur et on le voit mal critiquer ou remettre en question sa source de financement. Quant à Madame Filippetti, elle a déjà donné, le 7 janvier 2013 au Grand Journal de Canal +, la conclusion des assises du cinéma : « Le principe d’avoir un CNC qui prélève de l’argent sur le billet des films, notamment à très gros budget, et qui les redistribue, c’est un très bon principe ».
10,7% prélevés obligatoirement sur chaque billet d’entrée de cinéma
Et elle en rajoute : « C’est un mécanisme fin, juste et vertueux qui génère plus d’argent qu’il n’en prélève sur la filière. » Ce sont quand même 10,7% prélevés obligatoirement sur chaque billet d’entrée de cinéma. Le spectateur devient malgré lui le producteur de films qu’il n’ira peut-être jamais voir et auxquels il n’aurait peut-être pas donné un centime si on lui avait demandé.
Mais pourquoi tenir des assises puisque la cause est entendue ? Le coût de l’organisation de ces assises et du buffet qui suivra seront un gaspillage de plus aux frais des contribuables.
Alors puisqu’il n’y aura pas débat lors de ces assises, imaginons-le ! Juste un petit échange, entre Madame Filippetti et l’économiste Frédéric Bastiat qui justement avait écrit sur les théâtres et les beaux-arts. Il aurait pu être dans l’assistance, se lever, prendre le micro et, citant ses écrits, on aurait entendu le dialogue suivant :
Frédéric Bastiat : « L’Etat doit-il subventionner les arts ? »
Aurélie Filippetti : « Le principe d’avoir un CNC qui prélève de l’argent sur le billet des films, notamment à très gros budget, et qui les redistribue, c’est un très bon principe. »
Frédéric Bastiat : « Le droit du législateur va-t-il jusqu’à ébrécher le salaire de l’artisan pour constituer un supplément de profits à l’artiste ? »
Aurélie Filippetti : « Je veux maintenir cette logique » puisque « c’est un mécanisme fin, juste et vertueux qui génère plus d’argent qu’il n’en prélève sur la filière. »
Frédéric Bastiat : « L’impulsion doit venir d’en bas, non d’en haut, des citoyens, non du législateur ; et la doctrine contraire me semble conduire à l’anéantissement de la liberté et de la dignité humaine ».
Tout prélèvement obligatoire prive celui qui est prélevé de sa liberté de choix
On imagine le brouhaha ! Nos cinéastes intellectuels, indignés par de tels propos, auraient privé l’économiste de sa liberté de parole intolérable et finalement notre pauvre Bastiat aurait dû se rassoir sous le regard courroucé de l’intelligentsia subventionnée.
Cependant Madame Filippetti doit entendre, à défaut de comprendre, que tout prélèvement obligatoire prive celui qui est prélevé de sa liberté de choix. Que toute subvention issue de ce prélèvement obligatoire est de fait une spoliation.
Que le principe de redistribution est un système injuste au sens où celui dont l’argent est ponctionné n’obtient le plus souvent rien en retour.
Quand bien même n’y aurait-il qu’un seul euro de subvention, c’est encore trop : toute contribution doit être volontaire.
Une idée simple, respectant la liberté du spectateur, serait de fixer deux tarifs sur les billets d’entrée de cinéma : un tarif sans contribution au CNC, un tarif avec contribution au CNC. Nous verrions bien le résultat et peut-être que les spectateurs se montreraient généreux. Moi le premier d’ailleurs…
Mais la grande question reste encore sans réponse : pourquoi soustraire ainsi le cinéma français des lois du marché, de la logique de l’offre et de la demande ?
Madame Filippetti a-t-elle si peu confiance dans le talent de nos acteurs et de nos réalisateurs pour vouloir ainsi les subventionner et faire reposer l’économie du cinéma sur les contribuables français sans leur demander leur avis ?
Pourquoi ce rejet de l’économie de marché ?
Je propose donc d’envoyer à Madame Filippetti ce que Frédéric Bastiat a écrit sur les subventions de l’Etat en matière de culture dans son ouvrage « Ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas », la partie IV sur «Théâtres, Beaux-Arts».
Nul doute qu’une telle lecture puisse enfin fournir une bonne vision de l’économie à Madame Filippetti. Ainsi, lorsqu’elle sera à court de mauvaises idées, elle pourra innover en proposant de bonnes idées lors des assises du cinéma.
Encore faut-il qu’elle voit l’intérêt des spectateurs français plutôt que ceux de quelques cinéastes intellectuels du quartier latin.
Sylvain Charat
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