Le lobby agricole tire correctement son épingle du jeu du prochain budget européen, les 27 préférant tailler dans les dépenses d’infrastructure que dans la Politique agricole commune (PAC).
L’agriculture française est sauvée et les grands céréaliers peuvent dormir sur leurs deux oreilles. Le Prince Albert de Monaco, qui possède 773 hectares en France et les grands barons de la Beauce continueront à percevoir les centaines de milliers d’euros d’aides directes au revenu allouées par Bruxelles.
L’accord conclu par les 27 avant le week-end a peu de chance de demeurer en l’état car les parlementaires européens, qui ont demandé un vote secret pour se soustraire à la pression des « capitales » ont indiqué qu’ils ne le voteraient pas.
Sur la base présentée par François Hollande, que certains de ses confrères surnomment dorénavant « Pacman », l’enveloppe allouée à l’agriculture et à la pêche pour la période 2014-2020 est ramenée de 420,7 milliards d’euros à 373,2 milliards dans le cadre d’un budget global qui tombe à 908,4 milliards d’euros (-3%).
Ce sont les dépenses d’infrastructures et de recherche, a priori porteuses de valeur ajoutée, qui sont sacrifiées sur l’autel du colza.
Durant la période 2007-2013, la PAC représentait 40% du budget européen. Aujourd’hui, elle tourne autour de 37%. La baisse négociée par les 27 est donc symbolique.
Comme le dit le Prince Don Fabrizio Salina dans Le Guépard : « Je veux que tout change pour que rien ne change ». C’est un discours que Dacian Ciolos, commissaire européen en charge de la PAC, peut reprendre à son compte.
La FNSEA ne s’y est pas trompée : Xavier Beulin, son président s’est dit « rassuré » par le budget voté le 8 février en précisant que si « l’épure de départ » n’était pas satisfaisante, « la copie française a pu être améliorée ».
De nouveaux transferts de subventions autorisés
Cerise sur le gâteau, même si le Conseil européen préconise de répartir 30% des aides directes selon le respect de normes environnementales, leur plafonnement pour les grands bénéficiaires reste à l’appréciation des Etats membres.
Des transferts allant jusqu’à 15 % pourront, en outre être effectués entre l’enveloppe consacrée au développement rural et celle directement destinée aux revenus des agriculteurs (et vice-versa).
Avec cette souplesse, l’Etat disposera d’une réserve financière avec laquelle éteindre d’éventuelles broncas du monde agricole, souvent prompt à couper des arbres et à incendier des bâtiments publics quand il réclame davantage de pouvoir d’achat.
Ces aides directes sont financées sur le budget de l’Union européenne et gérées par le FEADER (Fonds européen agricole pour le développement rural) qui drainait 96 milliards d’euros pour la période 2007-2013, soit 1/5e des fonds dédiés à la PAC.
La distribution de ce pactole constitue le premier pilier de la PAC. Ce sont ces aides qui ont permis de transformer peu à peu les agriculteurs en semi-fonctionnaires européens.
Selon l’INSEE, la part des subventions pour l’ensemble des exploitations dans le résultat courant avant impôts était de 18 % en 1991. Elle a atteint 58 % en 1995, 81 % en 2001 puis à 97 % en 2005 !
Si le montant des aides directes à la production a chuté de 79% à 25% entre 2005 et 2006, l’INSEE relève que la répartition des aides est très inégale suivant les spécialisations : 42 300 euros en moyenne pour les exploitations de grandes cultures contre moins de 10 000 euros pour celles d’horticulture, viticulture ou arboriculture fruitière.
43 % des aides pour 20 % des exploitations
L’INSEE souligne aussi que dans les années 2004/2006, la part des subventions dans le revenu dépassait nettement 100 % pour les exploitations spécialisées en production de céréales, oléagineux et protéagineux et en production bovine, 20 % des exploitations perçevant 43 % de l’ensemble des aides.
On se croirait dans le « pauvre paysan », un vieux sketch de Fernand Raynaud, commente Jean Quatremer, correspondant de Libération à Bruxelles et qui alimente l’un des meilleurs blogs sur la cosmogonie européenne.
« Les céréaliers et autres producteurs d’oléoprotéagineux européens (tournesol, colza, soja, pois, fèverole, lupin, etc.) (…) ont touché le jackpot en décembre 2012 grâce à la Politique agricole commune (PAC) en se partageant une “manne d’environ 15 milliards d’euros « d’aides au revenu », alors qu’ils n’ont jamais gagné autant d’argent sur les marchés grâce à l’explosion des prix mondiaux depuis 2007 (avec un creux en 2009) », écrit-il.
José Bové, vice-président de la commission agriculture du Parlement européen, raconte-t-il, s’est livré à un petit calcul : une ferme de 300 hectares de blé avec un rendement de 7 tonnes à l’hectare, rapporte entre 525.000 et 590.000 euros par an en laissant un bénéfice net compris entre 210.000 et 317.000 euros.
L’aide européenne atteignant 99.000 à 120.000 euros, ces 300 hectares laisseront un revenu allant de 309.000 euros à 437.000 euros.
« L’agriculture ça eut payé mais ça paye plus », disait Fernand Reynaud. C’est sûrement pour cela que les 4X4 de haut de gamme et les pick-ups se vendent aussi bien dans la région chartraine lorsque tombent les aides communautaires…
DL
Avec Contribuables Associés, luttez pour la réduction des dépenses publiques, car trop de dépenses publiques c'est trop d'impôts, et contre les gaspillages scandaleux d'argent public !