Chemins de fer en Corse : un budget public bien arrosé à la liqueur de myrthe

Écrit par Gauthier LAMOTHE
Chemins de fer en Corse : un budget public bien arrosé à la liqueur de myrthe Droits image : wikimedia commons

La chambre régionale des comptes critique une gestion opaque et inefficace des transports ferroviaires en corse.

La CdC (collectivité de Corse) a analysé, dans un document de 134 pages, un audit implacable de la gestion des chemins de fer de la Corse (CFC)… Le verdict est pour le moins acide : à côté d’une telle gestion, la SNCF semble être une mécanique millimétrée comparable au rail Japonais…

Morceaux choisis :

  • Organisation défaillante
  • Sous-activité chronique
  • Intérêts privés
  • Manque d’efficience
  • Baisse de productivité
  • Coût très élevé
  • Faible attractivité au niveau national
  • Performance environnementale médiocre
  • …et encore quelques constats croustillants

Suite à la loi de 2002 visant à la décentralisation de la Corse, la collectivité territoriale est propriétaire des infrastructures des chemins de fer. En pratique, cela lui donne un contrôle total sur les décisions que les Chemins de Fer Corses devront prendre concernant les 16 gares et les 232 kilomètres de rails.

Selon les rapports cité précédemment, le coût d’exploitation du voyageur par kilomètre se situe autour de 66,61 centimes d’euro : six fois plus qu’une voiture, et presque trois fois plus qu’un TER en France métropolitaine. Ainsi, il faudrait à peu près multiplier le nombre de voyageurs par trois pour que l’exploitation ait le niveau de rentabilité d’un TER.

On notera que cette mesure est incertaine, car l’entreprise ne sait absolument pas quel est le volume de voyageurs circulant sur ses lignes, puisque des magistrats de la Cour des comptes ont constaté qu’il n’y avait pas de contrôles dans presque deux tiers des trains…

Dans le même temps, les CFC voient leur masse salariale augmenter de 4,1% par an. Les rapports notent que depuis l’arrivée des nationalistes aux commandes de la CdC, la croissance de la masse salariale s’est accélérée, sans constater une amélioration de la qualité de service ou une augmentation de la fréquentation…

Ce constat est aggravé par un autre chiffre : la marge de productivité se situe autour de 80% pour les agents de train, et le nombre d’heures effectives est de 28% inférieur à celui des TER. Autant dire qu’on est loin d’un modèle d’optimisation et de rationalisation du temps de travail, et que l’argent des impôts sert à éponger la fuite.

On notera également que les rapports pointent des embauches effectuées « au mépris des règles d'égalité des droits d'accès aux emplois publics ». 

Si la gestion du temps de travail et un personnel de terrain largement trop nombreux n’était que le problème, nous pourrions terminer cet article ici, mais il se trouve que les CFC souffrent de l’organisation pyramidale obèse classique de ces entreprises pseudo-privées perfusées de subventions que l’on trouve en France. Ainsi, le rapport relève l’existence de « cinq niveaux hiérarchiques pour encadrer huit personnes ».

Sur la décennie 2010, la direction des transports de la collectivité aura vu défiler quatre directeurs et trois réorganisations. N’importe quel entrepreneur expérimenté comprendrait, en voyant ce chiffre, qu’il y a soit une conjoncture particulièrement incertaine, soit un comité dirigeant absolument incapable de cadrer ses priorités clairement.

On notera également que certaines des actions approuvées par l’Assemblée de Corse n’ont pas été menées à bien.

Indépendamment ce que vous, lecteurs, pensez des impôts, il vous apparaîtra probablement dommage de constater qu’un service potentiellement rentable ne l’est pas, obligeant ainsi le contribuable à cracher au bassinet.

Ici, c’est un manque à gagner dont l’estimation se chiffre en millions d’euros, et c’est une contribution de la collectivité qui se chiffre à plus de 22 millions d’euros en 2019.

En réponse à cette analyse, Gilles Simeoni a mis en cause la partialité de ces rapports, en justifiant la situation par des conditions difficiles laissées par les administrations précédentes (argument classique, et malheureusement philosophiquement intestable : il arrange bien ceux qui l’utilisent, et dérange ceux qui le reçoivent, sans que l’on puisse dire qui a raison).

Pour sa défense, l’autonomiste Gilles Simeoni (Femu A Corsica) a précisé que le président des CFC n’avait pas été auditionné, et que la création de la collectivité unique de Corse en janvier 2018 avait donné lieu à de nombreuses contraintes. Il se défend également d’avoir concédé des autorisations d’occupation temporaire ou cédé des parcelles de terrain sur le domaine ferroviaire, en attribuant ces autorisations à son prédécesseur. Toujours est-il que M. Simeoni est bien la personne qui a régularisé ces procédures.

Jean-Baptiste Bartoli, directeur général des CFC, s’est également inscrit en faux face à cette analyse :

« Les charges de personnel ont augmenté de 17 % en neuf ans. Je suis très ferme là-dessus. Ce sont des chiffres validés par le commissaire aux comptes. Le conseil d'administration m'a toujours donné quitus pour ma gestion des CFC. »

Et d’ajouter que l’augmentation de la masse salariale est en partie due à l’internalisation des services, qui étaient auparavant sous-traités.

Il n’en demeure pas moins que ce rapport est pour l’instant un aiguillon dans le pied des nationalistes Corses, dont la promesse politique était une gestion publique plus efficiente que celle de leurs précédesseurs.

Chez Contribuables associés, on se dit qu'hélas, notre combat continuera longtemps.

Publié le jeudi, 20 janvier 2022

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