Il fut un temps où, pour laisser une trace dans l’Histoire, les élus de nos provinces consacraient force énergie et budgets à la construction de ronds-points plus ou moins pharaoniques. Les Grands Travaux du pauvre…
L’espace en étant désormais saturé, certains se sont fixés comme nouvel objectif le « divertissement » (sic) des populations. Comme disait Néron, panem et circenses, du pain et des jeux, rien de tel pour maintenir la paix civile …
Tel est le cas des élus de « Montélimar-agglomération », entité rassemblant autour de la ville de Montélimar (40 000 habitants), 25 petites communes rurales comprenant une moyenne de 1 000 habitants chacune. La majorité d’entre eux vient de voter la construction d’un boulodrome couvert et chauffé comprenant 16 terrains de jeu sur la commune de Saint-Gervais sur Roubion (965 habitants), et ce, pour la modique somme de 2millions d’€ … alors qu’il en existe déjà un à Montélimar, inauguré en 2007, susceptible d’accueillir des compétitions, couvrant 600 m2, disposant de 8 jeux intérieurs et 8 jeux extérieurs, de 3 vestiaires séparés avec douches et sanitaires indépendants et d’un hall d’accueil permettant la restauration de 40 personnes …
Ce projet ne peut qu’étonner tant il apparaît en contradiction avec toutes les colères et tous les espoirs exprimés ces dernières semaines au sein de la société française.
Sur la forme, cette décision est en total décalage avec la demande quasi-unanime d’un renforcement des pratiques démocratiques au niveau local. Elle ne peut que nourrir la défiance des citoyens à l’égard de leurs représentants. Qu’un tel projet n’ait pas fait l’objet d’une consultation est difficilement compréhensible. Autant les diverses revendications actuellement exprimées au sujet de l’instauration d’un Referendum d’Initiative Citoyenne (RIC) apparaissent illusoires, voire dangereuses, autant la consultation directe des populations sur des sujets les concernant directement, comme cela est le cas du projet « boulodrome », apparaît désormais comme un impératif démocratique élémentaire. Que chacun puisse dire si, en ces temps de disette, ces 2 millions d’€ ne sauraient trouver meilleur usage et s’il est nécessaire de dépenser une telle somme pour le « divertissement » des populations serait la moindre des choses … Et que l’on ne vienne surtout pas dire, comme trop souvent, que ce débat et cette consultation seraient inutiles au motif que cette installation ne « coûterait rien » dans la mesure où elle bénéficierait de subsides européens, régionaux ou départementaux. Ce serait oublier qu’in fine ces subsides ont tous la même origine : la poche du contribuable !
Sur le fond, ce projet méconnaît l’importance des questions environnementales auxquelles nous sommes aujourd’hui confrontés. Que penser dans ce contexte de la construction d’un boulodrome couvert appelé à être chauffé l’hiver ? On ose espérer qu’il ne sera pas climatisé l’été …
Que penser également des inévitables trajets routiers effectués par les habitants du territoire concerné souhaitant se « divertir » sur l’un des 16 terrains envisagés, alors qu’il serait beaucoup plus écologiquement responsable (et beaucoup moins coûteux) d’installer un boulodrome en plein air dans toutes les communes de l’agglomération qui en sont dépourvues (soit moins de la moitié des villages concernés, la majorité d’entre eux en possédant déjà un) ?
Morale de l’histoire : pendant le grand débat, le gaspillage continue …
Témoignage anonyme d’un membre de Contribuables Associés.