Gaspillage d'argent public : le cas des stations d'épuration

Écrit par Contribuables Associés
station d'épuration gaspillage argent public © Lhutch - CC BY-SA 4.0 (Station d'épuration à Crépy-en-Valois, Oise)

Témoignage d'un élu local sur une forme de gaspillage de l'argent public moins connue que la folie des ronds-points mais tout aussi réelle : la folie des stations d'épuration surdimensionnées.

" Mon expérience d'adjoint aux Finances d'une petite commune cévenole depuis 2015 m'a permis de découvrir une forme de gaspillage moins connue que la folie des ronds-points mais tout aussi réelle : la folie des stations d'épuration surdimensionnées.

J'ai également constaté cette folie dans une demi douzaine de communes voisines de la mienne mais également dans d'autres communes du Gard et de l'Ardèche.

Toutes ces communes partagent deux caractéristiques. D'abord leur petite taille ne leur permet pas de se doter d'un personnel technique compétent pour assurer la conception et la maîtrise d'oeuvre d'un réseau d'assainissement collectif et d'une station d'épuration.

Ensuite leurs élus, maires et adjoints, notamment, sont majoritairement des retraités de la fonction publique dont la culture économique et financière est généralement faible ou inexistante.

Ce sont donc des bureaux d'étude (B.E.) qui se voient confier la mission de concevoir les projets et en particulier leur dimension.Or,dans tous les cas qu'il m'a été donné de connaître, cette mission n'est pas comprise comme une mission distincte de la maîtrise d'oeuvre. Elle est attribuée au B.E. en charge de cette dernière et ce B.E. est rémunéré globalement en pourcentage du montant des travaux.

La notion de conflit d'intérêts ne semble avoir effleuré l'esprit de personne...

Ainsi, pour dimensionner la station d'épuration de mon village, le B.E. est parti du chiffre de la population communale (150 habitants alors que l'assainissement collectif ne concerne que le village et l'un des 13 hameaux de la commune !) qu'il a multiplié par 2 pour tenir compte de la fréquentation touristique estivale.

Personne n'a songé à dimensionner la station en mesurant, à partir des deux réservoirs qui l'approvisionnent, le volume d'eau potable consommé par le secteur d'assainissement collectif.

Résultat : le volume des effluents traités par la station au pic de fréquentation estivale (150 équivalents / habitants) est inférieur de moitié à sa capacité théorique (300 équivalents/habitants)... Nous aurions donc pu nous satisfaire d'une station à 150 équivalents / habitants étant précisé que le procédé d'épuration retenu (roseaux filtrants) a la capacité de traiter en période estivale (l'élévation de la température active les bactéries) un volume double de la capacité théorique...

Ainsi surdimensionnée, notre station fonctionnait mal et nous avons dû la modifier en mettant hors circuit l'un de ses deux bassins de décantation pour qu'elle fonctionne normalement !

Sachant que notre station a coûté 650 000 euros hors taxes, je vous laisse le soin de calculer le montant du gaspillage !

Si l'on part de l'hypothèse que plusieurs milliers de petites communes rurales sont concernées par ce phénomène, on aboutit à un gaspillage de plusieurs centaines de millions d'euros.

Dernière curiosité : l'Agence de l'eau et le Conseil départemental ont subventionné à 70 % la création de cette station sans jamais s'assurer de la validité économique et financière du projet.

Explication donnée par les responsables de ces entités : " Nous respectons l'autonomie de gestion des communes, même si nous avons des doutes sur la pertinence de leurs choix..."

Bernard Guisset, retraité, ex-cadre dirigeant d'entreprise privée

Publié le lundi, 06 janvier 2020

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