La France a bien évidemment besoin d’élites, il serait imbécile de prétendre le contraire, mais encore faut-il que celles-ci soient au service de leur pays…
Le mouvement des Gilets jaunes – légitime dans sa première phase anti-impôts avant que soit donné libre cours aux casseurs venus le plus souvent de l’extrême gauche – a été un des symptômes de ce ras-le-bol des Français à l’égard de ces élites politiques, administratives, intellectuelles, financières qui vivent sur la bête.
Nos dirigeants ont encore la légalité pour eux, mais ont perdu leur légitimité. Le pays réel leur a tourné le dos. Il faut dire que nos élites ont tout fait pour.
Elles ont failli dans la conduite du pays depuis des décennies, quel que soit leur bord politique : 2 400 milliards d’euros de dette publique en 2019, 45 ans de budgets de l’État votés en déficit, la France championne du monde du taux d’imposition et de la dépense publique, des impôts locaux dont le montant a quintuplé en 30 ans…
Et sans parler de l’explosion de l’insécurité au quotidien et la multiplication des zones de non-droit sur notre territoire. Alors faut-il parler d’incompétence, de haute trahison ou de colossale filouterie ? Les trois, mon général…
La nouvelle noblesse républicaine s’est coupée des réalités et méprise les Français.
Nos élites auto-proclamées montrent avec obstination le mauvais exemple. La France s’enfonce sous leur impulsion depuis plus de 40 ans.
Lobbies de la haute fonction publique
Les hauts fonctionnaires cultivent l’entre-soi, trustent tous les postes clés. Leurs allers-retours entre le public et le privé sont la porte ouverte à des conflits d’intérêts multiples et constants. Spécificité française, cette caste produit des hommes politiques qui, formatés par ce système, renoncent à le réformer quand ils sont élus.
Énarque, inspecteur des finances et ex-secrétaire adjoint du cabinet du président Hollande, Emmanuel Macron a été un des leurs. Il a démissionné de la fonction publique en novembre 2016, le jour de sa déclaration de candidature à l’élection présidentielle.
Son Premier ministre, Édouard Philippe a, lui aussi, été formé à l’ENA. Il intégra le Conseil d’État, la plus haute juridiction administrative, avant de « pantoufler » dans le privé (lobbyiste pour Areva notamment), comme le Président en son temps (banquier d’affaires chez Rothschild).
À leur arrivée au pouvoir en 2012, François Hollande et son Premier ministre, Jean-Marc Ayrault, firent baisser leur propre salaire de 30 %. Le Président (lui-même issu de la haute caste administrative) fit dresser une liste secrète des fonctionnaires gagnant plus que lui pour obliger ceux-ci à consentir également un effort financier. Les lobbies de la haute fonction publique réussirent à bloquer l’opération.
Un cas typique de ces élites qui s’auto-reproduisent est celui de l’énarque et inventeur du RSA Martin Hirsch. Chez les Hirsch, on est haut fonctionnaire de père en fils : papa, directeur de l'École nationale des ponts et chaussées, grand-papa, commissaire général au Plan. Martin, lui aussi est devenu commissaire, mais « aux solidarités actives contre la pauvreté » sous le règne de Sarkozy, avant de soutenir François Hollande à la présidentielle de 2012.
Emblématique d’un « système endogamique », dixit le sociologue Michel Maffesoli, qui survit à toutes les alternances politiques. C’est la haute administration qui détient le pouvoir réel et domine les politiques, comme la société civile. M. Hirsch demeure un chéri de nos gouvernants : depuis 2013, il est le directeur général de l'Assistance publique - Hôpitaux de Paris.
Autre genre de beauté, le cumulard Hervé Gaymard, tout à la fois élu et haut fonctionnaire. Pour lui, c’est double fonction et double paie. L’ancien ministre de Jacques Chirac semble en effet doté d’une capacité de bilocation digne de Padre Pio : il parvient à exercer un mandat qui demande une disponibilité totale – président du Conseil départemental de Savoie (4 033 euros net mensuels) – en sus d’un emploi à plein temps d’administrateur civil hors classe au ministère des Finances (7 596 euros net mensuels) depuis juin 2017. C’est choquant mais tout à fait légal…
Ce sont de telles pratiques qui « entretiennent la défiance, voire la colère des contribuables envers les élus » souligne René Dosière, ancien député PS, aujourd’hui président de l’Observatoire de l’éthique publique.
Les avantages du public et l’argent du privé
Près de la moitié des grands patrons français sont issus de la haute fonction publique, ils dirigent une entreprise sur trois du CAC 40. Généralement, l’estampille ENA et un passage à Bercy permettent de damner le pion aux challengers diplômés d’écoles plus formatrices (Polytechnique, HEC…).
Logique : cette connivence est censée faciliter l’appui des pouvoirs publics lorsqu’il s’agit de conclure une opération stratégique, par exemple dans les industries de défense, de haute technologie ou les télécoms, des domaines sur lesquels l’Elysée et Matignon gardent un œil.
Capitalisme de connivence
À la tête de nos grandes entreprises du privé, on retrouve, par exemple, l’énarque et ancien conseiller de Laurent Fabius, Serge Weinberg, patron de Sanofi, troisième groupe pharmaceutique au monde ; l’énarque Alexandre Bompard, le PDG de Carrefour (et ex-Canal +, Europe 1, Fnac, Darty), vient de l’Inspection générale des finances et du cabinet de François Fillon.
Il est marié à Charlotte Caubel, magistrate et « conseillère justice » d’Édouard Philippe. On pourrait citer encore Jean-Pierre Clamadieu (Engie) ou Stéphane Richard (France Télécom) …
Le capitalisme de connivence - cette interpénétration des milieux des affaires avec les sphères politiques et administratives - est un des maux dissimulés dont souffre notre pays.
Que dire des accointances d’un François Baroin, à la fois président de l'Association des maires de France et conseiller extérieur de la banque britannique Barclays ; d’une Delphine Ernotte, présidente de France Télévisions et qui émarge dans le même temps chez Suez ; d’un Gilles Le Gendre, patron des députés LREM et dont l’épouse a été embauchée à la direction du groupe FDJ, alors même que le parti présidentiel venait d'acter la privatisation de l'entreprise de jeux et paris…
Les dés de la démocratie seraient-ils pipés ?
Jean-Baptiste Leon
Article extrait de Tous contribuables n°13, le journal trimestriel de Contribuables Associés
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