Enquête : derrière les remparts du Conseil d'Etat

Écrit par Contribuables Associés

Le Conseil d'Etat est une institution peu connue des Français. Pourtant le Conseil d'État façonne leurs vies, leurs droits et surtout siphonne l'argent public. Qui sont ces "nobles" sous la République, et que font-ils ? Éléments de réponse avec le livre de Yves Stefanovitch "Petits arrangements entre amis".

 

Aux extrémités de l’échiquier politique, on entend souvent des personnalités publiques « les » dénoncer.

« Eux » qui font du copinage, « eux » qui complotent, « eux » qui utilisent l’argent des Français sans rien faire en retour ou « eux » qui dirigent réellement la politique de l’Etat.

Et s’ils existaient, « eux » ?

Et si, vraiment, il y avait une institution tapie dans les coulisses du pouvoir, pratiquant l’entre-soi, et qui payerait des hauts fonctionnaires à ne rien faire ? Cette institution serait, sans nul doute, le Conseil d’Etat.

Si le nom est assez familier des Français, les prérogatives du Conseil d'Etat sont toutefois bien moins connues.

Et ce qui s’y passe est, sciemment, opaque, selon Yvan Stefanovitch.

Dans "Petits arrangements entre amis", nombreuses sont les anecdotes de trucages et d'entre-soi des politiques qui nous laissent pantois face à l'état de notre démocratie.

Voyons ici ce que nous coûte le Conseil d'Etat et à quoi il sert. 

 

Le rôle du Conseil d’Etat et de ses membres

 

Le Conseil d’Etat est la plus haute juridiction administrative française. Il est chargé de régler les contentieux entre l’administration et les citoyens.

Mais le Conseil d’Etat a trouvé le moyen… de ne plus juger !

Ses membres se pensant trop éminents pour juger des contentieux à caractère social ou autres, ils préfèrent se concentrer sur les seules questions de sécurité et du rôle de l'executif.

En juin 2021, le Conseil d'Etat ne s'est appuyé sur aucune base juridique pour se permettre de juger la réforme des retraites "inopportune" au regard de la situation actuelle.

Outre cette dérive scandaleuse, les membres ne sont pas tenus de travailler hors l'obligation d’être présents 2 après-midi par semaine. 

Rassurez-vous : si vous trouvez que 2 après-midi par semaine, c'est encore beaucoup, sachez que l’absence des membres n’est pas sanctionnée. 

De grandes figures de la politique française y ont été parachutées le temps de se refaire une santé, parmi lesquelles Paule Dayan, Edouard Balladur, Arno Klarsfeld ou encore Régis Debray.

Ce dernier ayant tout de même rendu la somme astronomique de 8 arrêts en 3 ans. N’ayant plus donné signe de vie de 1988 à 1993, il fut déclaré comme démissionnaire au bout de 5 ans d’absence totale.    

L'institution - à caractère judiciaire dans ses principes, aujourd'hui dominée par les énarques - outrepasse régulièrement les principes de la Constitution et de la démocratie.

L'institution s'est désintéressée de sa mission initiale et s'est octroyé le droit de faire de la politique. 

 

Une institution déconnectée et hors-sol

 

Composée à 40% d’énarques, l’institution recrute chaque année 4 membres parmi les 15 meilleurs énarques de la promotion tout juste diplômée. Prendre les jeunes à la racine pour assurer sa survie : en voilà un drame.

Il en ressort une véritable conviction de la supériorité morale et intellectuelle des membres du Conseil d'Etat :

« Ceux qui appartiennent à cette grande maison – même les plus jeunes – sont fréquemment portés à regarder de haut le reste du monde. Ils se sont arrogé le monopole de la compétence et n’entendent guère les critiques adressées à leur institution… Une chose est sûre, le légitimisme vis-à-vis du gouvernement et au-delà de l’administration n’est pas près de disparaître au Palais-Royal. »

Leur « expertise » leur vaut d’être grassement payé : entre 4 000 euros par mois pour un simple auditeur et allant jusqu’à 16 000 euros pour le vice-président.

Ces élites soupent au ministère de la Culture, situé non loin, ou aux meilleures tables du restaurant du Sénat.

 

Le budget du Conseil d’Etat

 

Le budget du Conseil d’Etat est évalué selon un indice de performance dépendant des délais de jugement et du nombre d’arrêts rendus. Le Conseil d’Etat use alors de "malhonnêtetés" pour rehausser ces facteurs.

  • Première aberration : sur un total de 124 juges, 9583 affaires ont été classées soit 77 arrêts en moyenne par juge, contre les 85 déclarées.
  • Deuxième aberration : en 2006 ont été mises en place les ordonnances de tri dont la fonction est en quelque sorte de déléguer le jugement. Ainsi, les affaires se jugent plus rapidement et le nombre d’arrêts rendus par juge est falsifié. Sur ces 9583 affaires, la moitié a été réellement jugée de façon collégiale, le reste par ordonnance. Ce qui nous amène à un ratio réel de 3 arrêts par mois par juge.
  • Troisième aberration : les jugements rendus par « ordonnance de tri » ne sont pas jugés par des juges mais par des assistants de justice (des étudiants en droit !).

Le budget du Conseil d’Etat n’est pas clairement affiché, il est associé aux budgets des autres instances de justice administrative.

On ne connaît pas non plus le nombre de collaborateurs, ni le montant total des dépenses du Conseil d’Etat, classé « secret défense ».

Cependant, si l’on en croit le rapport de l’Assemblée nationale, les dépenses de rémunération du personnel se situent aux alentours de 54 millions d’euros par an (en prenant en compte la rémunération d’experts extérieurs estimée à moins de 8 millions).

Yvan Stefanovitch compare le Conseil d’Etat à un aéroport : officiellement il y a 323 membres.

Toutefois, entre absentéisme de longue date et ceux qui n’y sont que de passage, bien malin qui saura les dénombrer.

Il ne faut pas tomber dans  le fantasme absolu de « l’Etat profond ».

Néanmoins, le train de vie de ses membres et les relations qu'ils entretiennent avec l'exécutif interpellent et doivent appeller à une réforme des institutions, de la fonction publique et de toute cette bureaucratie qui nous coûte tant.

 Benoît Lacoux

"Petits arrangements entre amis. Sont-ils au-dessus des lois ?" de Yvan Stéfanovitch, Albin Michel, 2020 - 236 pages,19,90€.

Publié le mardi, 13 juillet 2021

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