Se contenter de lutter contre la fraude ne remet pas en cause le poids ni le périmètre de l’État.
Dans sa tribune parue sur FigaroVox le 2 octobre dernier, le magistrat Charles Prats a le mérite de poser une bonne question : « Et si on taxait les fraudeurs plutôt que les familles ? ».
Une question en forme d’évidence, mais rien ne semble évident pour le gouvernement, qui préfère en effet alourdir la pression fiscale pesant sur les familles que lutter efficacement contre les fraudes.
Comme l’écrit assez justement Charles Prats, « le sentiment d’injustice ressenti par tous ceux qui contribuent et cotisent à ce qui est le fondement même de notre pacte républicain et qui voient prélèvements augmenter et prestations diminuer, est en train de se renforcer et de s’exprimer de plus en plus fort. »
À l’heure où ce sentiment d’injustice conduit certains contribuables à des actes extrêmes, le rétablissement de la justice fiscale s’impose en effet, et il implique une lutte accrue contre les fraudes. C’est d’autant plus une exigence du fait de la situation des finances publiques, avec un déficit budgétaire à près de 75 milliards d’euros l’an dernier.
Mais la lutte contre la fraude est-elle « évidemment la vraie solution » à la crise des finances publiques, comme le soutient le magistrat ?
Pour appuyer son affirmation, Charles Prats additionne l’ensemble des fraudes fiscales évaluées par Bercy et les fraudes sociales estimées par la Cour des comptes. Il arrive à un montant de 140 milliards d’euros.
Additionner des choux et des carottes
Le montant est impressionnant, mais il y a un problème de méthode dans le calcul du magistrat : les fraudes fiscales (60 à 80 milliards d’euros par an selon Bercy) et les fraudes sociales (25 milliards pour les fraudes aux cotisations, 35 milliards pour celles aux prestations) ne sont pas de même nature.
Les fraudes fiscales correspondent non pas à un « coût » pour l’État mais à une non-recette. La nuance peut paraître byzantine, mais elle est d’importance. Lutter contre la fraude fiscale, qui est une exigence de justice, ne résoudra pas le problème de la surfiscalité, ni ne supprimera l’incitation à la fraude que cette dernière représente. Pour lutter contre la fraude fiscale, la sévérité contre les fraudeurs devrait s’accompagner d’une clémence à l’égard des contribuables honnêtes qui pourraient être tentés de les imiter. En clair, il faut aussi baisser les impôts pour éviter les fraudes.
Quant aux fraudes sociales, elles sont de deux ordres, et les ajouter l’un à l’autre s’apparente à additionner des choux et des carottes : les fraudes aux cotisations sociales et les fraudes aux prestations sociales. Si les secondes correspondent bien à un coût pour le contribuable, qui paie pour des aides que d’autres touchent indûment, les premières correspondent là encore à une non-recette. Faire rentrer davantage de cotisations sociales dans les caisses de l’assurance-maladie ou des CAF ne résoudra pas les problèmes des familles.
En fait, se contenter de lutter contre la fraude ne remet pas en cause le poids ni le périmètre de l’État. Dans notre pays, l’État au sens large (ministères, assurance-maladie, collectivités territoriales) pèse 57,7% du produit intérieur brut (PIB). C’est ce niveau excessif de dépenses publiques qui explique la fiscalité confiscatoire, les déficits publics abyssaux, mais aussi en partie les fraudes.
La priorité pour un gouvernement qui voudrait vraiment résoudre ces problèmes serait donc de réduire la fiscalité pesant sur les familles, et par ricochet de diminuer les dépenses publiques afin de casser la spirale de l’endettement qui a conduit en 40 ans la France à atteindre 2000 milliards d’euros de dette publique, une dette qui s’élèvera à 100% du PIB en 2015.