Prélèvement à la source : le piège à cons (tribuables)

Écrit par Contribuables Associés

Miche Sapin, le ministre des Finances annonce l’imminence de la retenue à la source. L'Etat surendetté est aux abois, il entend être servi le premier et est prêt à tout pour taper au plus vite les Français. La retenue à la source est un piège pour les contribuables.

Michel Sapin et son secrétaire particulier au Budget Christian Eckert ont officiellement lancé le 16 mars la grande réforme de la retenue à la source de l’impôt sur le revenu.

A les écouter, on se demande même comment on a attendu aussi longtemps pour s’y mettre, tellement c’est simple et avantageux pour le contribuable. La loi sera donc présentée cet été, quand tout le monde est en vacances, et entrera en application au 1er janvier 2018… après les élections.

Les deux compères nous révèlent cependant déjà les grandes lignes de la mécanique, d’une simplicité déconcertante selon eux. A croire vraiment que tous leurs prédécesseurs étaient des quiches pour n’y avoir pas pensé. Ainsi, il suffira à l’administration d’établir un taux moyen d’imposition pour chaque contribuable et de le communiquer à son employeur qui se contentera d’ajouter une ligne supplémentaire de prélèvement à un bulletin de paie déjà surchargé, le taux communiqué étant censé ne pas permettre à l’employeur d’en déduire le niveau réel de revenu de son salarié.

Le conjoint pourra d’ailleurs avoir un taux différent alors même que les deux font imposition commune. Bercy insiste donc sur la précision d’orfèvre du mécanisme et son bon sens. Pourtant, dès cet instant de la démonstration, le doute surgit. En effet, si les deux époux ont une imposition commune mais un taux différent chez leur employeur, on peut se demander s’il n’y aura pas erreur de perception chez l’un des deux. Et à chaque nouvelle précision du ministre, les objections surgissent aussi sec.

Passées sous silence

Ainsi, il est prévu que la réforme touchera aussi les travailleurs indépendants qui, pourtant, ne connaissent pas leurs résultats immédiatement. Bercy a donc imaginé pour eux une solution consistant à faire payer d’abord l’impôt sur la base des années précédentes et ensuite à naviguer à vue au gré des estimations du professionnel.

Autrement dit, on fait exactement comme aujourd’hui avec la mensualisation, sauf qu’au lieu d’être facultative, elle devient obligatoire. Un dispositif similaire est ensuite prévu pour les revenus fonciers avec un système d’acomptes. Il s’agit donc là encore de rendre obligatoire la mensualisation qui jusqu’alors était laissée au libre choix du contribuable, et surtout d’imposer immédiatement les seuls revenus du patrimoine qui ne l’étaient pas encore, puisque les intérêts et dividendes sont depuis plusieurs années déjà soumis à un système d’acomptes.

Quant aux difficultés pratiques, elles sont passées sous silence. Ainsi, comment éviter que celui qui attend la fin d’année pour défiscaliser n’avance trop d’impôt ? Quant au remboursement du trop perçu, sera-t-il majoré des intérêts de retard ? Les entreprises qui collectent l’impôt seront-elles indemnisées pour les frais exposés ? Et surtout, que faire de l’année blanche ?

Le ministre indique que l’impôt des revenus de l’année 2016 sera payé en 2017 comme d’habitude, tandis que les revenus 2018 seront imposables immédiatement. En d’autres termes, s’il n’y a pas double imposition pour le contribuable et pas non plus d’année sans perception d’impôt pour l’Etat, il n’en reste pas moins que, selon les dires mêmes de Bercy, l’année 2017 ne sera pas taxée. Or, comment Bercy compte-t-elle interdire aux contribuables de profiter d’un tel effet d’aubaine pour maximiser leurs revenus sur 2017 ? Silence radio sur le sujet…

Amorcer pareille réforme en fin de mandat est soit vicieux, soit irresponsable

Mise en place en 2018, la retenue à la source sera en fait un cadeau empoisonné pour la probable nouvelle majorité, surtout avec une année électorale 2017 prévue pour être l’année sans impôt. Comment feront alors les nouveaux élus pour gérer une telle situation dès le printemps 2017 ? Amorcer pareille réforme en fin de mandat est soit vicieux, soit irresponsable.

Grenouille en train de cuire dans la casserole

En outre, on s’aperçoit que le premier effet réel de la retenue à la source est de rendre obligatoire une mensualisation qui n’est pour l’instant que facultative. Il s’agit donc pour l’Etat de gagner quelques mois de trésorerie. C’est toujours cela de pris mais c’est aussi le témoignage inquiétant d’un Etat surendetté aux abois, prêt à tout pour taper au plus vite ses propres débiteurs.

Certes, cela rassurera Bruxelles sur notre capacité à faire rentrer l’impôt alors que celui-ci est de plus en plus impopulaire. C’est d’ailleurs là le deuxième effet de la retenue : Amoindrir un peu plus le consentement populaire à l’impôt. Contrairement à ce que fait semblant de croire Michel Sapin lorsqu’il rappelle que la déclaration de revenus reste incontournable et symbolise « le geste républicain du consentement à l’impôt », la retenue à la source démontre au contraire que le citoyen consent encore à déclarer ses revenus mais de moins en moins à payer l’impôt, surtout lorsqu’il sert à soulager la misère du monde et non la sienne.

Pour sécuriser l’approvisionnement, rien de mieux donc qu’une ligne de plus parmi tant d’autres sur le bulletin de paie. C’est aussi indolore que d’ajouter quelques degrés à la grenouille en train de cuire dans la casserole…  

(Source : Discours de Michel Sapin et Christian Eckert, Bercy 16 mars 2016)

Olivier Bertaux

Publié le mercredi, 16 mars 2016

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