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Les stades de l’Euro 2016, combien ça coûte?

Écrit par Contribuables Associés

L'Euro 2016 de football aura lieu en France du 10 juin au 10 juillet 2016. Ce soir, Didier Deschamps va annoncer  la liste de 23 "Bleus" qui composeront l' équipe de France de football. L'occasion de revenir sur un aspect trop peu relevé de ces agapes sportives : le coût exorbitant des stades et d'un telle manifestation pour le contribuable.

 

Nous publions ici un article extrait du numéro « Sport et argent public : la France qui perd » des Enquêtes du contribuable, numéro paru en août 2015 mais qui n’a rien perdu de sa fraîcheur…

Un nouvel aspect post attentats du 13 novembre 2015 est néanmoins à prendre en compte aujourd’hui : les mesures anti-terroristes liées à l’état d’urgence et la sécurisation renforcée des villes et stades ont un coût qui est loin d’être négligeable. La seule sécurisation des fans zones, ces espaces publics dédiés aux supporters devrait coûter au minimum 24 millions d’euros pour la durée de l’épreuve.

Comme Vespasien avec le Colisée, les élus locaux on fait bâtir des stades surdimensionnés pour satisfaire leur ego. Aux contribuables de payer la facture. Leur goût de la démesure a franchi une étape décisive au printemps 2010, l’année où la France a appris que le comité exécutif de l’UEFA (Union des associations européennes de football), lui confiait l’organisation de l’Euro de football 2016.

La tenue de cette compétition qui mettra en lice 24 équipes s’affrontant lors de 51 matchs a entraîné le renouvellement des stades français. Quatre ont été construits à Lyon, Lille, Bordeaux, Nice. Et ceux de Lens, Nancy, Marseille, Toulouse, Paris et Saint-Étienne ont été rénovés.

L’UEFA exemptée d’impôts par l’État français

Coût total des chantiers : 1,7 milliard d’euros pour la construction et la rénovation des stades, dont 850 millions de financements mixtes public-privé et 290 millions émanant de fonds publics.

A ces sommes, il faut ajouter les milliards d’euros investis dans les fan zones ou « zones d’hospitalité » situées autour des arènes sportives et la rénovation des infrastructures de transport terrestre (route + rail). Cerise sur le gâteau : la France a même garanti à l’UEFA qu’aucune taxe, ni impôt sur les sociétés ne seront prélevés sur l’organisme basé en Suisse, et sur ses filiales françaises. Montant du cadeau : 300 millions d’euros.

Les villes lauréates et celles mises « en réserve » ont aussi déroulé le tapis rouge devant l’UEFA. Elles ont lancé la construction de stades dont les prix laissent songeurs : ils vont de 56 millions d’euros à Toulouse et Saint-Étienne (rénovations) à 450 millions pour la construction de l’enceinte lyonnaise. Entre ces deux extrêmes, on trouve des chantiers à 267 millions d’euros (Marseille), 184 millions (Nice) ou 165 millions (Bordeaux).

Pour financer ces travaux, certaines villes comme Saint-Étienne et Toulouse ont opté pour une maîtrise d’ouvrage publique (MOP). La MOP permet de financer la construction et l’exploitation d’un stade que la Ville loue à un club résident. Principal risque de cette formule : que le club chute dans les classements et il ne pourra plus payer les loyers à la collectivité propriétaire du stade.

Autre possibilité de financement : le privé. Lyon a choisi cette option en laissant le club local, l’Olympique Lyonnais (coté en bourse) se charger de la construction de l’équipement. À mieux y regarder, ce financement n’est pas 100 % privé, car la puissance publique est intervenue auprès des investisseurs privés. Les contribuables versent leur écot à la grande cause du foot : outre la garantie de 40 millions du conseil général du Rhône et les 20 millions de subventions de l’État, les travaux d’infrastructure vont coûter très cher.

Allongement de la ligne de tram T3, construction de parkings, aménagement de la desserte du « Stade des Lumières », le tout pour un coût estimé à 130 millions d’euros par la Métropole, mais à 400 millions d’euros par les opposants au projet…

Partenariat public-privé

Pour financer la construction de leurs stades, certaines métropoles comme Bordeaux, Lens et Lille ont préféré signer un partenariat public-privé (PPP).

Cela consiste à confier la construction de l’enceinte à un opérateur privé du BTP qui va l’entretenir et la gérer pendant 30 à 40 ans en moyenne, période à l’issue de laquelle les villes en deviennent propriétaires. Les municipalités ayant recours au PPP doivent verser une redevance annuelle à l’opérateur, par exemple

4 millions par an dans le cas de Bordeaux. Selon un rapport du Sénat, le principal danger du PPP est qu’un fossé se creuse entre le montant des capitaux et leur rentabilité future, comme la Ville du Mans en a fait l’amère expérience avec son MMArena.

Pour les collectivités locales, la solution du PPP est malgré tout tentante, car les sommes engagées apparaissent comme des dépenses de fonctionnement et non d’investissement, ce qui permet de ne pas augmenter l’endettement global, du moins dans les premiers temps.

Euro = impôts

Ce protocole financier ne dupe pas les contribuables qui sont obligés de payer en cash et tout de suite : la plupart des villes où se tiendra l’Euro 2016, ont vu leurs impôts locaux progresser fortement en 2015. C’est, par exemple, le cas à Bordeaux (+ 5 %) à Lyon (+ 6 %), à Toulouse (+ 15 %), ou encore à Lille (+ 10,5%).

Pour justifier ces sacrifices, les mairies évoquent les retombées économiques que devrait générer la compétition. Selon l’UEFA, ces recettes devraient atteindre 1,134 milliard d’euros pour l’Hexagone et 178 millions de TVA, soit 1,312 milliard d’euros au total. À voir…

Côté emploi, l’embellie pourrait n’être que de courte durée. En Allemagne, les effets liés à la Coupe du monde de football 2006, ont été évalués à 0,1 % de croissance. Les 2/3 des emplois créés pour l’événement ont disparu après la Coupe du monde.

Dans cette course folle aux stades de l’Euro, c’est celui de Lille (440 millions d’euros), inauguré en 2012, qui est peut-être le plus toxique pour les contribuables. Depuis 2008, l’attribution du marché à Eiffage au lieu de Norpac, une filiale de Bouygues qui proposait la même prestation pour 108 millions d’euros de moins, intrigue.

Un rapport notant les sociétés candidates a même été bidouillé pour brouiller les pistes ainsi que la justice l’a établi en janvier 2015. Martine Aubry est en première ligne dans cette affaire, en tant que présidente de la communauté urbaine de Lille, la collectivité qui a piloté le projet.

A Nice, où l’Allianz Riviera a été inauguré en 2013, l’affaire prend également une tournure judiciaire. À la demande de la chambre régionale des comptes, le procureur de la République a indiqué, au début de l’année, être saisi d’une enquête sur d’éventuelles irrégularités financières dans le PPP noué entre la Ville et Vinci. La mairie a été perquisitionnée le 23 juin dernier…

Fabrice Durtal

Publié le jeudi, 12 mai 2016