Valéry Giscard d’Estaing boulevard Saint-Germain, Jacques Chirac rue de Lille, Nicolas Sarkozy rue de Miromesnil, à chaque ancien président son appartement pris totalement en charge par l’Etat. La République est reconnaissante paraît-il. Mais les contribuables le sont-ils ?
Les trois citoyens qui ont été un jour président de la République ne participent pas au fameux effort de solidarité imposé à l’ensemble de la population française par nos ministres actuels. Peu connue, les mesures qui déterminent le train de vie des anciens Présidents ont été fixées en 1955 et 1985. Elles ne sont pas fondamentalement remises en cause par François Hollande, futur bénéficiaire du train de vie des ex-présidents.
La loi du 3 avril 1955 : pas de souci pour la retraite
Charmant héritage de la IVe République : l’article 19 de la loi n°55-366 du 3 avril 1955 stipule clairement qu’il est « attribué aux anciens Présidents de la République française une dotation annuelle d’un montant égal à celui du traitement indiciaire brut d’un conseiller d’Etat en service ordinaire », c’est-à-dire aujourd’hui 6.000 euros brut par mois. Ce n’est pas tout. L’alinéa suivant du même article précise que « la moitié de cette dotation sera réversible sur la tête de la veuve ou, en cas de décès, sur la tête des enfants jusqu’à leur majorité. »
Aucune limite d’âge ou de temps n’est fixé. Il s’agit bien d’une dotation à vie qui n’est pas soumise à conditions de revenus et qui est cumulable avec toute autre fonction rémunératrice. Valéry Giscard d’Estaing la reçoit depuis 32 ans et Nicolas Sarkozy est bien parti pour faire 3 ou 4 décennies avec ce traitement.
L’héritage de François Mitterrand : la lettre du 8 janvier 1985
Les efforts du député socialiste René Dosière ont permis de rendre publique cette perle gouvernementale, d’autant plus intéressante qu’elle a été rédigée par des socialistes et a bénéficié pour l’instant quasi uniquement à des hommes de droite. Mais Dosière a eu du mal semble-t-il à obtenir cette lettre qui fait office d’ordonnance : « J’ai finalement pu me procurer une copie de la décision du 8 janvier 1985 qui n’a jamais été rendu publique jusqu’à ce jour », écrit-il dans son blog le 9 juin 2010, vingt-cinq ans après la mise en place de ces dispositions.
Trente après la loi de 1955, Laurent Fabius, alors Premier Ministre, informe Valéry Giscard d’Estaing des décisions prises par François Mitterrand, alors Président de la République, concernant « un certain nombre de règles fixant de manière permanente le statut dans la Nation des anciens Présidents de la République et des conjoints des Présidents décédés en ce qui concerne tant leur situation personnelle que les conditions de leur participation à la vie publique. »
Les personnes concernées en 1985 étaient Valéry Giscard d’Estaing et sa femme Anne-Aymone, Claude Pompidou, épouse de Georges Pompidou décédé durant son mandat présidentiel en 1974. Depuis lors, ces dispositions ont concerné très brièvement François Mitterrand, mais surtout sa femme Danielle Mitterrand et s’applique toujours à VGE, ainsi qu’à Jacques Chirac, Bernadette Chirac, Nicolas Sarkozy et Carla Bruni-Sarkozy.
Sans le savoir les contribuables ont été très généreux au travers des mesures du 8 janvier 1985.
Les anciens Présidents bénéficient des largesses suivantes :
Le logement et les télécommunications : « Il leur est attribué par l’Etat un appartement de fonction meublé et équipé dont la maintenance et les charges, y compris le téléphone, sont assumées par l’Etat. »
Le personnel domestique : « Deux personnes prises en charge par l’Etat sont affectées au service de leur appartement de fonction. »
La voiture : « Une voiture de fonction est attribuée à titre permanent aux anciens Présidents de la République. Son entretien est pris en charge par l’Etat, qui met deux chauffeurs à leur disposition. »
Les conjoints : « Les conjoints des Présidents de la République décédés peuvent bénéficier sur leur demande d’un appartement de fonction, meublé et équipé, dont les charges, y compris le téléphone, sont assumées par l’Etat, et d’un véhicule de fonction avec chauffeur. »
Les déplacements : « Pour leurs déplacements en France et à l’étranger, les anciens Présidents de la République bénéficient de la gratuité pour eux-mêmes et leur conjoint sur l’ensemble des réseaux publics ferroviaires, aériens et maritimes, dans la meilleure classe. »
Les déplacements des conjoints : « Les conjoints des Présidents de la République décédés bénéficient d‘une carte de circulation gratuite en première classe sur l’ensemble du réseau de la SNCF. L’Etat prend en charge leurs autres voyages s’ils sont motivés directement par les fonctions précédemment exercées par leur conjoint décédé. »
Les collaborateurs : « L’Etat met à la disposition des anciens Présidents de la République sept collaborateurs permanents, appartenant à la fonction publique ou rémunérés par l’Etat sur contrat. »
Maintenant faites l’exercice suivant : relisez toutes ces dispositions en remplaçant le mot « Etat » par le mot « contribuables », et elles apparaîtront pour ce qu’elles sont réellement c’est-à-dire des dépenses publiques payées par des contribuables qui bien souvent peinent pour subvenir à leur fin de mois.
La retraite dorée du Conseil constitutionnel
Derrière tout ancien président se cache un super fonctionnaire. En siégeant à vie au Conseil constitutionnel, les « ex » touchent une rémunération de 12.000 par mois qui s’ajoutent aux privilèges déjà décrits. Une rente plus qu’une rémunération d’ailleurs, étant donné que, si Valéry Giscard d’Estaing y siège régulièrement, Jacques Chirac ne s’y rend plus ainsi que Nicolas Sarkozy.
Evoquons enfin pudiquement et rapidement, les « primes de sujétions spéciales ». Une enveloppe dont le montant n’est pas communiqué. Un silence pudique sur des sommes qui le sont peut-être moins.
Selon René Dosière, Valéry, Jacques et Nicolas coûtent aux contribuables un total de 5 millions d’euros par an. « Aujourd’hui, ils peuvent cumuler pensions de la République et prestations privées, », dit le député, « ce n’est pas sain. » En conséquence, en plus d’avoir subi leur politique, les contribuables financent leur train de vie sous prétexte qu’ils sont des « ex ». La Révolution française n’avait-elle pas aboli les privilèges le 4 août 1789, ou n’était-ce encore qu’un tour de passe-passe pour transférer les avantages des uns au bénéfice des autres ?
Jean de Selzac
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